Articles Greco


Ces articles ont été écrits initialement pour le blog du Greco


Plateforme de e-learning et tutorat à distance : une incompréhension qui perdure

Le journal d'enseignement

L'écoute active, une stratégie au service du tuteur

Quelles conditions de travail pour les tuteurs à distance ?

Diversification du support à l’apprentissage

TIC : reproduction ou édition de cours ?

Formation tout au long de la vie... un long chemin

 

Plateforme de e-learning et tutorat
à distance : une incompréhension qui perdure
(juillet 2006)

J’avais initialement prévu de consacrer cet article aux outils dédiés au tutorat d’une plateforme qui est présentée comme « légère, ouverte et évolutive » constituant « une véritable alternative aux solutions onéreuses et complexes du marché ». A cet effet, comme tout bon chroniqueur soucieux de recueillir des informations de première main, je me suis inscrit à un séminaire organisé par le distributeur de cette plateforme. Après avoir participé à cette rencontre, une évidence s’est imposée à moi, celle non plus de rédiger un compte-rendu sur la teneur des propos qui se serait vu limité à 4 ou 5 lignes tant le tutorat ne fut pas abordé et largement décrit le fonctionnement technique de cette plateforme, mais d’apporter quelques éléments de réflexion sur l’incompréhension persistante entre les concepteurs de plateforme et deux catégories de leurs utilisateurs, les apprenants et les tuteurs.

Les raisons de l’incompréhension
Les plateformes sont encore généralement conçues comme d’autres applications informatiques. Elles doivent répondre à des besoins très divers mais au final, les possibilités techniques des développeurs et les volontés de la hiérarchie des entreprises clientes prévalent largement sur l’analyse des besoins des futurs utilisateurs, en particulier de ceux des apprenants et des tuteurs. Cette dérive techniciste n’est pas nouvelle tant il suffit de se rappeler que les campus numériques ont d’abord été l’occasion d’une floraison inédite de plateformes développées par les services informatiques universitaires mais qu’au final ces centaines de plateformes se sont révélées peu différentes les unes des autres dans leurs fonctionnalités.

La démarche commerciale des éditeurs étant orientée uniquement en direction des acheteurs de plateformes, les critères de qualité d’une plateforme s’en trouvent profondément influencés. Ainsi, le lieu commun du respect des normes et de la compatibilité est élevé en véritable dogme et argument commercial de première valeur. Ce qui est étonnant c’est que si les acteurs de la formation à distance se plient à la discipline de la normalisation des outils et des contenus, il est toujours aussi rare de les voir réutiliser des contenus dont ils ne sont pas les auteurs. Dès lors, l’intérêt de la « transférabilité » technique des contenus est largement amoindri.

Un autre argument commercial est celui de la production de traces qui peuvent être exploitées par les utilisateurs des plateformes. Là encore, le souci pédagogique sert plus de prétexte qu’il n’est servi. A titre d’exemple, j’ai eu la surprise d’apprendre lors de ce séminaire que « un exercice formatif c’est un QCM qui n’est pas évalué », comprenez qui n’est pas noté. Il est aussi révélateur d’entendre des acheteurs de plateformes considérer que le rôle de tuteur « c’est de fliquer les apprenants ».

Ces deux exemples me paraissent assez significatif de l’absence de dialogue entre les développeurs de plateforme et leurs clients d’une part, et les professionnels de l’enseignement et de l’apprentissage d’autre part. L’apprenant n’étant, lui, considéré que comme un utilisateur dont il faut analyser les comportements.

Les résultats de l’incompréhension : tracer !
Dès lors, il n’est plus trop étonnant de voir les éditeurs proposer des outils traceurs et d’analyse des traces qui sont davantage au service des managers que des apprenants et des tuteurs.

Quelles soient grossières ou plus fines, ces traces sont uniquement quantitatives : temps de connexion, pourcentage du parcours accompli, nombre de clics effectués, temps passé à répondre à un QCM, nombre de messages échangés avec le tuteur, temps passé par le tuteur à répondre, etc. Certes, nous ne pouvons pas encore demander aux machines de produire des traces qualitatives mais il en ressort, comme me le confirmait une responsable des tuteurs d’une grand entreprise de e-learning spécialisée dans l’enseignement des langues, que les tuteurs passent de plus en plus de temps à produire et à décrypter quantité de reporting, tableaux de bord, rapports d’activités sans pour autant en retirer des éléments très instructifs sur la manière d’aider les apprenants dans leur formation.

Par ailleurs, ces traces sont peu fiables tant il est facile pour un utilisateur de manière volontaire ou non de les fausser par des utilisations divergentes des outils et des ressources mis à sa disposition. Car c’est bien là le plus grave à mes yeux, les concepteurs de ces plateformes d’une part, induisent et valorisent certains comportements d’apprenants produisant les bonnes traces, et d’autre part, dévalorisent ou ne peuvent tracer d’autres stratégies d’apprentissage. En quoi par exemple, le fait de lire un texte sur écran, ce qui produit une trace de temps passé, est plus indicatif du bon apprentissage d’un apprenant que le fait d’avoir imprimé ce texte pour le lire, ce qui produit au mieux la trace que le texte a été imprimé.

Ces traces ne seraient-elles pas uniquement quantitatives parce qu’elles servent avant tout de base à la mesure, et éventuellement à la facturation, de l’utilisation de la plateforme ou parce qu’elles facilitent la tenue des rapports d’activité de formation envers l’administration ?

Plus remarquable encore, les traces produites sont la plupart du temps cachées à ceux qui les produisent. L’apprenant n’a le plus souvent qu’une vision tronquée de ces traces et n’a qu’exceptionnellement communication de leurs interprétation. Les tuteurs ne sont pas mieux lotis puisque leurs traces servent essentiellement à mesurer leur productivité.

Alors que les traces sont présentées comme des éléments devant permettre aux tuteurs et aux apprenants de mieux intervenir ou de mieux apprendre, il en ressort qu’elle ne sont le plus souvent qu’au service d’une vision particulière de l’évaluation traquant la divergence et se nourrissant de la culture de la suspicion et du contrôle.

Ne faudrait-il pas que les concepteurs de plateforme prennent mieux en compte qu’à travers les QCM, les objectifs des différentes formes d’évaluation ? Ne faudrait-il pas qu’ils se mettent à l’écoute des tuteurs et des apprenants pour identifier les traces qui seraient de nature à supporter l’apprentissage de ces derniers ? Ne faudrait-il pas, tout simplement, que les plateformes soient plus au service de la pédagogie et moins à celui des informaticiens, des commerciaux et des managers ? Plus d’un an après le séminaire consacré à l’industrialisation du tutorat, ces questions restent cruellement d’actualité.

 

Le journal d'enseignement (juin 2006)

Il est reconnu aujourd’hui qu’un apprenant à distance doit être en mesure de progresser en autonomie pour mener à bien son parcours d’apprentissage. Selon certains auteurs (Deschênes, Rodet), l’exercice de cette autonomie est intimement liée à la mise en place de stratégies d’apprentissage, en particulier sur le plan métacognitif.

Flavell (1979, p. 906-911) définit la métacognition comme « une prise de conscience de l’expérience cognitive » et « une prise de conscience des connaissances acquises ». Il précise que « cette prise de conscience tend à permettre tant la sélection, que la révision ou l’abandon de certaines tâches cognitives, buts ou stratégies lorsque mis en relation entre eux et en relation avec les habiletés de l’apprenant et ses intérêts pour l’entreprise en cours.»

Dès lors, les enseignants ne tireraient-ils pas profit pour eux-mêmes de la mise en place d’activités métacognitives qui leur permettraient de s’interroger sur leurs pratiques d’enseignement ? En formation à distance, les tuteurs qui sont rarement formés à leurs intervention d’encadrement et de support à l’apprentissage envers les étudiants ne devraient-ils pas également mettre en place de telles activités?

Mais quelles sont ces activités ? A partir de quels outils celles-ci peuvent-elles être réalisées ? Cet article s’interressera particulièrement à l’une d’entre elle, le journal d’enseignement.

Le journal d’enseignement a pour objectif de donner à voir à l’enseignant ou au tuteur, la manière dont il intervient en direction des étudiants. Il est constitué de différents éléments tels que le déroulé du cours, la description des activités mises en place avec les apprenants, les comptes-rendus du déroulement de celles-ci, la formulation de constats de réussites ou d’échecs, l’identification de pistes d’amélioration pour le futur.

Sa première fonction est certainement de conserver des traces de ses pratiques. Elle permet à l’enseignant ou au tuteur de se constituer progressivement un répertoire d’actions et d’interventions qu’il peut réutiliser par la suite. La seconde fonction du journal d’enseignement est caractérisée par sa nature d’autoévaluation des pratiques. Le regard distancié et critique de l’enseignant ou du tuteur sur ses actes s’inscrit alors dans une recherche de perfectionnement professionnel.

Un tel journal d’enseignement est forcément de caractère privé. Il s’agit pour l’enseignant ou le tuteur de s’exprimer sans contrainte et sans réserve sur les situations vécues, les difficultés rencontrées, les explications possibles, la formulation d’hypothèses. Bref, il s’agit d’un écrit autoréflexif qui n’a pas vocation à être partagé en l’état.

Différents outils peuvent être utilisés pour rédiger un journal d’enseignement mais il en est un qui me paraît bien adapté eu égard à son origine même, le journal intime : le blog.

Le blog permet facilement de noter des informations, des ressentis, des idées dans un ordre antéchronologique, de produire des traces. Le blog offre également la possibilité d’ajouter des commentaires qui dans le cas du journal d’enseignement peuvent être de manière privilégiée de nature métacognitive. Ces données sont classables dans différentes rubriques déterminées par l’auteur. Enfin, dans la plupart des solutions de blog, il existe un moteur de recherche qui permet d’accèder facilement à l’information désirée. L’intérêt du blog pour le journal d’enseignement ne réside pas dans son caractère public (que plusieurs solutions permettent de désactiver) mais bien dans son accessibilité, sa capacité à conserver la temporalité des propos, ses fonctions de classement et de recherche.

La formation continue des enseignants et des tuteurs reste encore un parent pauvre de notre système éducatif. Dans une large mesure, celle-ci reste de la responsabilité de l’individu. La pratique métacognitive est sans nul doute un outil puissant pour gagner en professionnalité. Le journal d’enseignement est facile à mettre en place, est peu coûteux sinon le temps qu’il nécessite. Il est à la fois un outil de capitalisation et de prospection des pratiques pour celui qui l’entreprend.

 

Références

DESCHÊNES, André-Jacques (1991). Autonomie et enseignement à distance. Dans La Revue canadienne pour l’Ètude de l’Èducation des adultes, mai, vol. V, n81, p.32-54.

FLAVELL, F. H. (1979). Métacognition and cognitive monitoring. American Psychologist, vol.34, n810, 906-911. Traduction de Nicole C. Refae.

RODET, Jacques (2003) Autonomie et métacognition des apprenants à distance. Dans Chroniques et entretiens. http://jacques.rodet.free.fr/chronent.pdf

 


L'écoute active, une stratégie au service du tuteur (mai 2006)

Les médiations entre un tuteur et des apprenants à distance sont forcément médiatisées. Elles sont écrites, orales ou audiovisuelles, synchrones ou asynchrones. De ce fait, leur forme est variée et diffèrent par de nombreux aspects de la rencontre présentielle. Lors d'entretiens en présence, les interlocuteurs peuvent assez facilement recourir à la technique de l'écoute active. Comment celle-ci peut-être adaptée à la situation distancielle ? Dans cet article, nous définirons l'écoute active ainsi que les techniques qui la fondent. Lors des deux prochains articles, nous évoquerons les possibilités de mise en oeuvre de l'écoute active dans six situations de médiation à distance.

André de Peretti (1999) affirme que « je ne peux écouter quelqu'un que si, en même temps, je lui témoigne que je l'écoute et que, par conséquent, j'entre en dialogue avec lui, même si mon dialogue est un dialogue réservé ». Pratiquer l'écoute active est donc avant tout une disposition, une attitude adoptée délibéremment dans laquelle l'écoutant ne cherche pas tant à évaluer et à juger le propos de son interlocuteur mais bien plus à comprendre en profondeur celui-ci et à lui permettre de s'entendre dire. Pour ce faire, l'écoute active se base sur trois techniques que sont l'empathie, la reformulation/réverbération, le questionnement ouvert.

Les techniques de l'écoute active
Selon Abraham (1984), le concept d'empathie en formation nécessite l'investissement par l'enseignant de « trois attitudes [...] : i) la faculté qu'à l'enseignant de comprendre la signification de l'expérience vécue par l'élève [...] davantage, d'exprimer cette compréhension ; ii) le respect manifesté par l'enseignant pour l'élève pris isolément ; iii) l'authenticité du maître dans sa relation aux élèves. »

Reformuler consiste pour le tuteur à redire en résumant ou en paraphrasant, éventuellement en accentuant les propos de l'apprenant. La reformulation consiste pour l'enseignant à vérifier sa propre compréhension des propos de l'apprenant et de permettre à ce dernier de les entendre.

Aussi, la reformulation est susceptible, de faciliter l'identification par l'apprenant des réponses qu'il cherche. Ainsi que le précise Artaud (2000, p. 32) il s'agit d'être « fidèle à ses propos et de les lui redire pour qu'il confirme que nous l'avons correctement compris et participons, à notre mesure, à son expérience. » La réverbération consiste à répéter les derniers mots de l'apprenant afin de l'inviter à poursuivre son raisonnement ou son questionnement.

Le questionnement ouvert est de nature très différente de celui auquel l'enseignant recourt d'habitude. Son objectif n'est pas d'obtenir une réponse connue de l'enseignant, ni même de suggérer à travers ses questions des pistes d'interprétation pour l'apprenant mais de lui donner l'occasion de poursuivre son expression. Aussi, l'utilisation du « pourquoi » est a éviter au profit du « comment » et des formules qui sollicitent l'apprenant : « Qu'en pensez-vous ? », « Racontez cela ? », « Comment comptez-vous faire ? », « Dans quel but ? », « Quelle est votre opinion ? ».

Ecouter de manière active ne s'improvise pas. Ce n'est pas une stratégie et des techniques qui se maîtrisent du jour au lendemain. Il apparaît que les tuteurs devraient être formés sur ce plan afin d'être en situation de mieux comprendre les attentes et les besoins des apprenants qu'ils encadrent. Nous identifions six situations distinctes à partir des deux modalités de communication, synchrone et asynchrone, que nous croisons avec trois types de communication, écrite, orale et audiovisuelle.

L'écoute active lors de médiations asynchrones à distance

Médiation écrite synchrone à distance
Les médias qui permettent ce type de communication sont le chat et le " tableau blanc ". Le tableau blanc permet le partage synchrone d'une fenêtre graphique et textuelle à l'intérieur de laquelle tous les utilisateurs peuvent interagir simultanément. Cette fonction autorise le partage de documents et la possibilité d'élaborer des documents en temps réel qui seront visionnés par les apprenants et modifiables par chacun des participants. Le Chat permet l'échange de messages textuels en temps réel, sur le Web, entre deux ou plusieurs individus connectés. Il s'agit d'une discussion écrite à distance en temps synchrone. Pour l'un et l'autre de ces médias, les messages sont écrits. L'utilisation des fonctions d'édition et de lecture des messages nécessite que les interlocuteurs maîtrisent la navigation sur Internet et soient capables de saisir des messages par l'intermédiaire d'un clavier. Le passage à l'écrit focalise la communication sur le contenu alors que l'énonciation devient quasi inexistante et ne transparaît que par l'utilisation de binettes (smileys) dont le registre reste assez sommaire. Habituellement utilisés pour faciliter les échanges au sein d'un groupe d'apprenants, nous postulons que ces médias sont aussi adaptés à une communication privée entre deux individus, en l'occurrence le tuteur et l'apprenant. Dans cette situation, la communication non verbale ne peut s'établir et l'empathie manque donc de matière à partir de laquelle elle pourrait se construire. La reformulation est possible et éventuellement facilitée par les fonctions de copier-coller. De même, il est possible de poser des questions ouvertes.

Médiation orale synchrone à distance
Cette médiation est supportée par le téléphone. Il permet au tuteur et à l'apprenant d'entrer facilement en contact sans avoir à acquérir des habiletés particulières. Le seul type de message autorisé est oral. L'inconvénient majeur de ce type de communication au regard de la mise en œuvre d'une écoute active est l'absence de visualisation de son interlocuteur et la perte définitive de toute communication non verbale. A contrario, l'attention de l'écoutant est favorisée par la focalisation de son écoute sur les seules messages oraux. Si la voix permet une énonciation dont les variations sont nombreuses et subtiles (le sourire peut parfois s'entendre), l'utilisation du téléphone ne permet pas la visualisation d'attitudes gestuelles ponctuant le propos. Toutefois, ce média permet des interactions rapides entre les locuteurs. Ainsi, la reformulation et le questionnement, tout comme en situation présentielle, sont possibles.

Médiation audiovisuelle synchrone à distance
Cette médiation est supportée par la visioconférence qui est une communication synchrone intégrant le son et l'image, entre deux ordinateurs. C'est le média qui, à ce jour, s'approche le plus des caractéristiques de la rencontre présentielle. La communication non verbale est possible quoique moins bien perçue qu'en présentiel et formalisée par le cadre imposé par le plan de la caméra. Le contact visuel établi rend possible l'émergence de l'empathie. Les échanges oraux permettent, comme en face à face, la reformulation et le questionnement ouvert. Il apparaît donc que cette communication synchrone est la plus adaptée à la mise en œuvre des attitudes et des techniques d'écoute active.

L'écoute active lors de médiations asynchrones à distance

Médiation écrite asynchrone à distance
Les médias qui supportent ce type de médiation sont la télécopie, le mail et le forum. Le mail et le forum permettent de transmettre des messages écrits de manière asynchrone. Contrairement aux messages oraux asynchrones, le mail et le forum sont des situations de communication qui ne s'établissent pas par défaut mais bien de manière délibérée. Leurs avantages sur le chat ou le tableau blanc sont la permanence du message et de par leur caractère asynchrone, la longue durée possible des échanges. La fonction « répondre », de par son côté pratique, est incitatrice d'échanges et facilitatrice des interactions. Si l'émergence de l'empathie est pénalisée par l'inexistence de la communication non verbale, la reformulation et le questionnement ouvert sont tout à fait possibles. De son côté, la télécopie autorise le même type de messages mais est plus onéreux et moins pratique bien que pouvant être utile aux personnes n'ayant pas accès à Internet.

Médiation orale asynchrone à distance
Cette médiation peut être supportée par la messagerie téléphonique et les cassettes audio. Le caractère asynchrone des échanges via la messagerie téléphonique rend les interactions beaucoup moins aisées qu'en mode synchrone. La reformulation devient en grande partie inopérante. Il faut reconnaître également que le plus souvent, il s'agit d'une communication par défaut. C'est parce que notre correspondant n'est pas disponible que nous sommes invités à lui laissé un message sur son répondeur. Il ne nous semble donc pas que l'écoute active puisse s'installer lors de ce type de communication. Dans le cas de la cassette audio, l'interaction est inexistante, nous sommes dans une situation de " munication " et les techniques de l'écoute active ne peuvent être employées.

Médiation audiovisuelle asynchrone à distance
Les cassettes audiovisuelles, les CD et les DVD sont des médias qui ne permettent pas l'établissement d'interactions. De plus la production des messages que ces médias supportent est longue et coûteuse. Ce type de médiation n'est pas utilisée, à notre connaissance, dans la relation tuteur/apprenant et ne permet pas l'application des techniques de l'écoute active.

Conclusion
Partant de l'interrogation sur les possibilités de transfert des techniques d'écoute active en situation médiatisée à distance, nous avons repéré six situations de communication distinctes. En fonction des caractéristiques de celles-ci nous avançons que c'est dans le cas d'une communication synchrone audiovisuelle que les interlocuteurs peuvent le plus aisément pratiquer l'écoute active. D'une part, parce que la parole est conjointe aux messages visuels et que d'autre part, ces derniers permettent la visualisation de la communication non verbale. La communication par téléphone, notamment parce qu'elle autorise des interactions rapides, semble également propice à la mise en œuvre des techniques de l'écoute active à la limite importante de l'absence de toute communication non verbale. Dans les échanges écrits en temps synchrone, la reformulation et le questionnement sont certes possibles mais des recherches plus approfondies, en particulier sur les usages et les stratégies d'écriture, sont nécessaires pour valider la mise en œuvre d'une véritable écoute active. Il faut, à ce propos, remarquer que le chat , satisfait plus immédiatement des besoins de communication de type socio-affectif que des échanges permettant une meilleure compréhension de ce qui s'écrit. La communication écrite en temps asynchrone autorise la reformulation et le questionnement. Le temps différé est un élément important qui permet à chaque interlocuteur de s'interroger et de mieux saisir le propos de l'autre. Il est néanmoins vrai que la communication non verbale n'est pas supportée par les médias utilisés dans ce cas. Enfin, les messages oraux et audiovisuels asynchrones ne permettent pas de pratiquer l'écoute active.

En fonction de la présentation de ces six situations de médiation à distance, nous suggérons que l'écoute active soit encouragée par les concepteurs de formation à distance, en planifiant des séances de visioconférences, à défaut des conférences téléphoniques) entre tuteur et apprenants ainsi que l'utilisation du mail qui s'il ne permet pas la visualisation des attitudes des interlocuteurs nous semble la communication écrite la plus adaptée à l'écoute active.

Références

ABRAHAM, A. (1984). L'enseignant est une personne. ESF.

ARTAUD, Jean (2000). L'écoute, attitudes et techniques. Chronique Sociale.

BATTAGLIA, Christian (1999). Regards d'usager sur l'enseignement à distance : questions autour de l'autonomie des apprentissages. In Glikman, Viviane (1999) Formation ouvertes et à distance : le point de vue des usagers. Journée d'étude du 28 novembre 1997. Paris, INRP.

BELLIER, Sandra (2001). Le e-learning. Editions Liaisons.

CARDINET, A. (1995). Pratiquer la médiation en pédagogie. INRP.

DE PERETTI, André (1999). Entretien. Beaucoup de choses sont entendues mais non écoutées. Revue Non-Violence Actualité. Décembre 1999.

DE PERETTI, André (1998). Article Empathie du Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation. Nathan Université.

DE PERETTI, André (1968). Liberté et relations humaines. Editions Epi.

DESCHÊNES, André-Jacques, BEGIN-LANGLOIS, Lise, CHARLEBOISREFAE, Nicole, CÔTE, Rémi, RODET, Jacques (2003). Description d'un système d'encadrement par les pairs et de la formation des pairs anciens. Revue de l'éducation à distance, vol. 18, n° 1, Printemps 2003.

DESMET, Roger (1991). Entretien entre Roger Desmet et Geneviève Jacquinot réalisé par Thérèse Lamy. Non publié.

FLOYD, James J. (1988). Vers une meilleure écoute. PUQ.

GLIKMAN, Viviane (2002). Des cours par correspondance au " e-learning ". PUF.

HENRI, France, LUNDGREN-CAYROL, Karin (2001). Apprentissage collaboratif à distance. PUQ

MEYER, Alain (1999). Les usagers des formations à distance du CNAM en Pays de Loire. In Glikman, Viviane (1999) Formation ouvertes et à distance : le point de vue des usagers. Journée d'étude du 28 novembre 1997. Paris, INRP.

MYERS, G.E. MYERS, M.T. (1990). Nous et notre communication. Dans Les bases de la communication humaine. McGraw-Hill, éditeurs. Montréal.

PAGES, Max (1965). L'orientation non directive. Editions Dunod.

PORTER, Elias (1950). Introduction to therapeutic Counselling. Editions Hougthon Mifflin, Boston.

RODET, Jacques (2003). Le clavardage (chat) média de support à l'apprentissage? Revue Distances et savoirs, volumme 1 – n° 3/2003.

ROGERS, Carl R. (1977). Un manifeste personnaliste. Fondements d'une politique de la personne. 1979, Dunod.

ROGERS, Carl R. (1961). Le développement de la Personne. 1998, Dunod.

SIX, J.-F. (1995). Dynamique de la médiation. Desclée de Brouwer.

TARDIF, J. (1992). Les principes de la communication pédagogique stratégique. Dans Pour un enseignement stratégique : l'apport de la psychologie cognitive. Les Éditions Logiques inc. Montréal.

 

 

Quelles conditions de travail pour les tuteurs à distance ? (avril 2006)


Le tuteur à distance est considéré comme l’intermédiaire indispensable entre l’institution, l’objet d’apprentissage et les apprenants. Dépendant de statuts divers, quelles sont les conditions de travail des tuteurs ? Cet article présente des outils conçus par des tuteurs et permettant de penser leurs conditions de travail.

Quel statut ?
Encore trop souvent, la question du recours aux tuteurs ne se pose que lorsque le dispositif de formation à distance a été entièrement conçu. Il s’agit alors de trouver, dans une certaine urgence, des personnes pouvant assurer des interventions tutorales qui ont été peu ou mal été identifiées et de définir leurs conditions de travail.

Plusieurs documents sont aujourd’hui à la disposition des concepteurs pour déterminer leur stratégie tutorale (cf. http://greco.grenet.fr/webgreco/bases/tutorat/400.php et http://tecfa.unige.ch) mais il n’en est pas de même en ce qui concerne leurs conditions de travail et c’est pourquoi, je vais m’attacher à vous présenter un outil permettant d’entamer une réflexion sur ce sujet.

Dans l’entretien que Pierre Moeglin a eu avec Viviane Glikman pour la revue « Distances et savoirs » (volume 3, numéro 2, Tutorat à distance et logiques industrielles http://www.cned.fr/ds/numero3.2.htm), celui-ci distingue trois catégories de tuteurs :

- étudiants avancés, étudiants de DEA, agrégatifs ou doctorants.
- enseignants
- tuteurs professionnels

Il est clair que pour les individus relevant des deux premières catégories, leurs conditions de travail s’inscrivent dans le cadre de leur statut. Pour les « tuteurs professionnels », les conditions de travail restent à spécifier.

 

Des outils pour penser les conditions de travail des tuteurs à distance
Au sein de t@d, la communauté de pratique des tuteurs à distance (
http://jacques.rodet.free.fr/xtad.htm), nous avons entrepris un travail d’identification de ces conditions de travail. Après la réalisation d’une première grille en 2005, nous venons d’en produire une nouvelle version augmentée.

L’objectif de ces documents est bien de permettre aux uns et aux autres (institutions, concepteurs, tuteurs, etc.) de se poser et/ou de poser les bonnes questions lorsqu’ils souhaitent définir les conditions de travail de leurs tuteurs.

La version 1.0 est organisée autour de 12 thèmes : contrat de travail, durée, horaires, rémunération, remboursement des frais, congés payés, accès à la formation, lieu de travail, couverture sociale, protection sociales et droits, missions confiées, conditions.

Dans la version 2.0, nous avons classé en quatre parties ces différents aspects des conditions de travail du tuteur, ainsi que d’autres repérés à cette occasion :

- l’environnement de travail du tuteur à distance,
- les aspects contractuels et réglementaires liés aux activités du tuteur à distance,
- les compétences et missions du tuteur à distance,
- le ressenti de ses conditions de travail par le tuteur à distance.

La première partie permet de repérer le contexte d’intervention du tuteur. En effet, selon le dispositif sur lequel le tuteur est amené à intervenir, ses rôles et ses tâches sont différentes. De même, un certain nombre de points sont à examiner en ce qui concerne l’expérience du tuteur (formation, pratique du tutorat, etc.)

La deuxième partie permet d’identifier les éléments constitutifs du statut du tuteur dans l’institution. Elle rassemble la plupart des thèmes de la version 1.0.

La troisième partie permet de faire le point sur les interventions qui sont demandées au tuteur : nature des missions confiées, nombre d’apprenants encadrés, modalités de communication avec les apprenants et avec l’institution, etc.

La dernière partie rassemble un certain nombre de questions qui permettent aux tuteurs d’exprimer leur ressenti sur leurs conditions de travail.

Si la détermination des conditions de travail des tuteurs à distance ne se confond pas avec celle de la stratégie tutorale de l’institution et des concepteurs, il peut être utile à ceux-ci de ne pas s’intéresser à cette question au dernier moment afin de mesurer la cohérence entre les objectifs visés par l’organisation du tutorat et la réalité des conditions de travail réservées aux tuteurs. En ce sens, les outils rapidement présentés dans cet article se veulent être une aide à cette anticipation.

 

NB : La version 1.0 de la grille d’évaluation des conditions de travail est en accès libre à http://jacques.rodet.free.fr/gecttad1.pdf.

La version 2.0 est, pour l’instant, accessible aux seuls participants de t@d, la communauté de pratique des tuteurs à distance. Elle sera mise à disposition de tout un chacun d’ici quelques mois.

 

 

Diversification du support à l’apprentissage (mars 2006)

A côté et de manière synergique aux interventions du tuteur, la mise en place d'autres modalités de support à l'apprentissage peuvent contribuer à la réussite des étudiants.  

Nécessité du support à l'apprentissage
La mise à distance d’une formation introduit une séparation entre les temps de l’enseignement et de l’apprentissage. Ainsi, le métier de l’enseignant et le métier de l’étudiant sont dissociés dans le temps. La conception des ressources d’enseignement s’effectue bien en amont et hors de la présence des étudiants. Une fois le dispositif de formation mis à disposition des étudiants, ceux-ci apprennent hors la présence des concepteurs et des enseignants. De ces deux absences naît un besoin de présence, celle du support à l’apprentissage. 

Le support à l’apprentissage correspond à l’ensemble des interventions qui vont être menées en direction des étudiants pour qu’ils atteignent les objectifs de la formation. Les acteurs de ce support à l’apprentissage sont actuellement identifiés à travers la fonction pluri-dimensionnelle mais peu reconnue statutairement de tuteur. 

Pour autant, le support à l’apprentissage ne peut se limiter aux prestations de ce seul acteur, le tuteur, doté de toutes les compétences qui sont sensées répondre aux difficultés rencontrées par les étudiants et aux éventuelles faiblesses ou manques des ressources d’enseignement. Si donc, le tuteur est incontournable dès lors qu’il s’agit d’apporter un support à l’apprentissage quelles peuvent être les autres ressources ou personnes ressources qui devraient intervenir sur ce plan ? 

Pistes de diversification du support à l'apprentissage
En premier lieu, il apparaît que les ressources d’enseignement peuvent elles-mêmes jouer un rôle de support à l’apprentissage pour peu que les concepteurs envisagent leur production non pas sous le seul angle de la transmission mais aussi à partir de celui de l’appropriation. Par exemple, la mise à disposition de textes relativement longs qui est difficilement évitable dès lors que les notions abordées sont complexes devrait être accompagnée de ressources méthodologiques permettant aux étudiants de savoir comment les étudier. La présentation de techniques telle que la lecture rapide, la reconstitution du plan du texte, la rédaction d’un résumé ou d’une fiche de lecture, etc. constituent autant d’éléments de support à l’apprentissage pour l’étudiant. 

Outre les ressources d’enseignement, l’institution de formation peut par la présentation de son organisation intervenir également dans le support à l’apprentissage. L’étudiant à distance est relativement isolé et il est important pour lui de savoir à quelle porte frapper pour obtenir l’information qui lui manque. En la matière le recours au tuteur peut se révéler peu performant ou du moins allonger le temps de réponse si ce dernier ne possède pas la réponse à la demande de l’étudiant. Ce support de type administratif est essentiel dès lors que l’on admet qu’un étudiant ne peut s’engager véritablement dans son apprentissage qu’en ayant une visibilité claire des contraintes et des propositions de l’institution. Ainsi, le support à l’apprentissage passe également par une communication précise de l’institution sur les modalités d’inscription à un cours, d’évaluation, sur la manière d’accéder à des centres de ressources tels que la bibliothèque, sur la participation à des rencontres thématiques, etc. 

Enfin, le support à l’apprentissage peut également être facilité par la communication entre les étudiants. Il s’agit là de reconstituer des espaces informels d’échanges entre les étudiants qui existent en situation présentiel (intercours, cantine, rencontre en dehors de l’établissement, etc.). Le plus souvent, les concepteurs prévoient la mise en place de forums électroniques. Ceux-ci sont souvent délaissés par manque d’animation ou tout simplement parce qu’ils sont organisés par l’institution et qu’en ce sens ils ne sont plus informels. Il s’agirait donc plutôt pour l’institution de mettre à disposition des étudiants des outils de communication synchrones ou asynchrones dont l’utilisation serait en libre service et dont les traces produites lui resteraient inaccessibles. Ces ressources de communication ne devraient pas être intégrées aux plateformes ou autres LMS qui sont immanquablement repérées par les étudiants comme contrôlées par l’institution. 

Si le tuteur est le premier acteur du support à l’apprentissage, les concepteurs de formation gagneraient pour le bénéfice des étudiants à investir ces autres formes que sont les ressources méthodologiques, la présentation des services offerts et la facilitation des échanges informels entre étudiants.

 


TIC : reproduction ou édition
de cours ?
(mars 2006)

auteur-éditeur-publieur
Il y a une vingtaine d’années, lorsque quelqu’un souhaitait être lu, il lui fallait soit avoir un talent susceptible d’être remarqué par un éditeur, soit avoir suffisamment de moyens financiers pour se produire à compte d’auteur. Aujourd’hui, il lui suffit de créer un blog. Le lecteur potentiel est ainsi directement accessible par l’auteur devenu auteur-éditeur-publieur. Parallèlement, les commentaires des lecteurs de blogs sont autant de rétroactions que l’auteur d’il y a vingt ans espérait ; ils peuvent même déboucher sur de véritables échanges entre lecteurs et donner ainsi vie et expression au lectorat. Par contre, le travail d’édition avec ses exigences au service de la qualité a tendance à disparaître, à tout le moins à n’être plus suffisamment distinct de ceux de l’auteur et du publieur.

De manière plus ancienne il existe un autre type d’auteur-éditeur-publieur : le professeur, dès lors qu’il prépare son cours, fait des choix en matière de contenu et dispense ce cours à des étudiants. Mais il semble bien qu’il ne doive pas rester le seul y compris dans sa classe.

Reproduction - production 
Depuis quelques mois, j’ai pu voir arriver des étudiants équipés de clés USB, de dictaphones, d’appareils photos numériques, bref de tout un tas d’outils permettant de conserver des traces médiatiques de ce qui est avant tout éphémère : un cours en présentiel. Bien évidemment, cela change de la prise de notes, usage unanimement accepté par le corps professoral mais finalement, le recours à ces outils n’est qu’une déclinaison de l’appropriation du contenu d’un cours par un étudiant. Et dans la mesure où ces traces servent à celui qui les a produites, la nouveauté ne devrait pas nous effrayer.

Une des caractéristiques de ces traces aux formats variés mais tous numériques c’est la facilité de leur reproduction, de leur modification par retranchements, ajouts, restructuration, etc. Dès lors, un étudiant peu bien se charger pour plusieurs de ses collègues de produire, reproduire et modifier les traces d’un cours présentiel pour pallier leurs absences au cours. Ainsi, cet étudiant devenant à son tour auteur-éditeur-publieur sans le savoir, une sorte de moniteur agissant sans contrôle, n’a plus de « bon à tirer » à obtenir à part celui qu’il s’octroie.

Production - édition
La pratique de la reproduction est inévitable, elle pourra être réalisée de plus en plus facilement à l’insu des professeurs. Or, tout cours présentiel non seulement ne mérite pas d’être enregistré, médiatisé, mais de plus il n’est pas fait pour cela. Quitte à ce qu’un cours soit reproduit, ne faut-il pas qu’il ait été pensé et construit pour cela ? Si l’enseignement peut facilement être médiatisé, il en est différemment de l’apprentissage et des médiations que celui-ci suppose entre les étudiants et les professeurs. Dès lors, ne faut-il pas médiatiser l’enseignement, opération qui libère de la présence obligée et conjointe du professeur et des étudiants et réserver les séances présentielles à l’apprentissage ? Cette démarche serait à l’opposé du récent et très en vogue « rapid learning » et en faveur d’une ingénierie pédagogique réhabilitant l’étape indispensable d’un point de vue qualitatif : l’édition.

Ne sommes-nous pas au moment de choisir entre d’une part, une reproduction non choisie de cours permettant à des étudiants d’échapper aux contraintes de l’enseignement présentiel et, d’autre part, de consentir à ce que le métier de professeur corresponde moins fréquemment à la conception d’un enseignement, qui serait produit et édité par des collègues experts, et plus à un accompagnement des étudiants pour qu’ils tirent profit de ces ressources éditées et publiées ?

Formation tout au long de la vie...
un long chemin
(février 2006)

Formation tout au long de la vie…
Depuis quelques années déjà, l’expression : « formation tout au long de la vie » s’est imposée. Il est donc légitime de se demander si derrière la formule, généreuse et chargée de promesses, des contenus et/ou des dispositifs nouveaux ont été mis en place.

C’est avec cette idée en tête que j’ai repéré, lors du salon EDUCATEC de novembre 2005, une conférence intitulée « Relation Education-Entreprises : la formation des enseignants tout au long de la vie » réunissant des acteurs de la formation initiale, de la formation continue et des entreprises dont l’ambition était de faire le point sur les changements vécus dans leur formation par les enseignants des filières techniques et technologiques.

Une table ronde et…
Un premier orateur rappela tout d’abord l’impérieuse nécessité de la formation continue pour l’enseignement technique. Les connaissances évoluant rapidement, celles qui émergent remplacent celles qu’elles rendent obsolètes. L’enseignant en plus d’être un technicien se doit d’être un professionnel de la pédagogie. Aussi, le bagage de l’enseignant technique est de plus en plus lourd et la mission de la formation tout au long de la vie est bien de le muscler pour qu’il puisse porter son «sac à dos» tout au long de sa randonnée professionnelle.

Comme il n’est plus raisonnable de dispenser la formation d’un enseignant technique en une seule fois, la solution semble bien de le former « tout au long de la vie ». Trois conditions cumulatives sont déclarées nécessaires : i) recruter des futurs enseignants ayant des bases solides sur les plans scientifiques et technique ; ii) mettre à disposition des dispositifs de formation pluriels dont l’autoformation ; iii) ces dispositifs doivent être installés dans la durée et leur coexistence rendue cohérente.

Tout à tour, les participants évoquèrent de nombreuses choses : les modalités de formation initiale des enseignants techniques, le levier de changement que constitue la formation des enseignants, le fait que l’université ne remplisse pas son rôle en matière de formation de base dans certains domaines techniques, la nécessité pour l’enseignant de connaître son environnement économique, l’obligation pour lui de s’immerger régulièrement et systématiquement dans l’entreprise, de s’engager dans un processus d’autoformation, la capacité de l’entreprise à aider les enseignants à comprendre l’industrie, des enseignants suivant dans l’entreprise des parcours d’intégration identiques à ceux des cadres nouvellement recrutés, du souhait des entreprises de participer à l’élaboration des maquettes des diplômes, de la faiblesse des budgets.

Bref, cette table ronde a bien tourné et pourtant, la formation tout au long de la vie n’a été qu’effleurée. Si elle a été définie, si certaines des conditions préalables à sa réalisation ont été identifiées, ce sont avant tout de vieux débats entre partenaires connus qui se sont rejoué.

… Un chemin qui reste à parcourir
D’une part, aucune des conditions évoquées plus haut n’apparaît remplie. Dans un futur contexte démographique difficile pour obtenir les meilleurs éléments, autant dire les mieux formés, l’Éducation Nationale et les entreprises seront prochainement en concurrence et l’on peut se demander quels seront les atouts de l’EN pour tirer son épingle du jeu. Les dispositifs pluriels n’existant pas ou étant peu accessibles, il semble que ce soit encore le temps de l’expérimentation, sans véritable lendemain. Aussi, la mise en cohérence reste bien hypothétique.

D’autre part, aucune intervention n’a évoqué le rôle pouvant être tenu par les TICE alors même que l’enseignant est sommé de s’autoformer en attendant que les structures chargées de sa formation puissent tomber d’accord sur ce que doit être sa formation tout au long de la vie.

Ainsi, la formation tout au long de la vie qui, de manière large vise l’autonomisation de l’individu, en est réduite, pour commencer à exister, à convoquer le résultat (l’autonomie) comme préalable.

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