CHRONIQUES ET ENTRETIENS


2002 2003 2004


janvier
L'apprentissage par les médias en formation à distance [1]

février
L'apprentissage par les médias en formation à distance [2]

mars
Formations à distance asynchrones ou synchrones ?

avril
Pratiquer l'écoute active en formation à distance [1]

mai
Pratiquer l'écoute active en formation à distance [2]

juin juillet août
Le Pouvoir et la légitimité du formateur à distance

septembre
Naissance de t@d,
la communauté de pratiques des tuteurs à distance

octobre
Autonomie et métacognition des apprenants à distance [1]

novembre
Autonomie et métacognition des apprenants à distance [2]

décembre
L'entretien à distance avec André-Jacques Deschênes :
Le constructivisme

L'apprentissage par les médias
en formation à distance [1]

1- Introduction
La formation à distance est indissociable de l'utilisation des médias. Ceux-ci sont tout d'abord, employés pour mettre en forme et distribuer le contenu de l'enseignement mais également pour encadrer et accompagner l'apprenant dans son processus d'apprentissage. La tendance, trop répandue, qui consiste à assimiler les avancées technologiques et les nouveaux médias à des solutions idéales à la problématique de la formation à distance ne nous renseigne, pourtant, que très imparfaitement sur la nature des apprentissages que l'apprenant peut réaliser. Il nous faut donc nous interroger sur le " potentiel pédagogique " des différents types de médias, du plus traditionnel, l'imprimé, aux plus évolués comme le téléphone, la télévision, l'Internet et d'autres.

Au cours de cette chronique, nous présenterons quatre médias : le livre, l'audioconférence, la cassette vidéo et les sites WEB sur Internet. Nous nous attacherons à définir leur matérialité et leurs principales caractéristiques.

Dans la chronique de février, nous identifierons, quelles sont les conditions de réalisation d'apprentissages à partir de ces mêmes médias. Nous nous appuierons pour cela, sur l'examen des systèmes de symboles qu'ils utilisent.

Enfin, après avoir lister les médias qui peuvent être employés en formation à distance et avoir souligné que les apprentissages réalisables à partir des médias sont liés aux stratégies qu'ils permettent de mettre en place, nous proposerons un tableau mettant en rapport ces stratégies d'apprentissage avec les systèmes de symboles que sont le texte, l'illustration, le langage et l'image.

2- Les médias étudiés
Si l'on ne peut réduire la démarche pédagogique d'une formation à distance au choix du ou des médias utilisés pour la fabrication et la diffusion de l'enseignement et la réalisation des apprentissages par les apprenants, il reste que ce choix n'est pas anodin et doit être effectué après une analyse systématique et systémique des objectifs de la formation.

R.B. KOZMA attire notre attention sur le fait que " les systèmes de symboles et les opérations de traitement que permet un média auront des répercussions significatives sur l'apprentissage ".

Il est à noter également, que l'utilisation synergique de plusieurs systèmes de symboles permet une meilleure intégration des connaissances à acquérir. Ainsi, des " tâches " spécifiques peuvent être attribuées à chacun d'eux. Dans le cas d'un imprimé, le texte est généralement porteur d'une idée principale alors que les illustrations donnent des informations complémentaires facilitant la compréhension globale .

De manière générale, la stabilité de l'information constitue une aide précieuse pour l'apprenant ; les illustrations sont souvent plus signifiantes que le texte, c'est notamment le cas pour les personnes ayant déjà des connaissances sur la matière étudiée ; la sollicitation interactive de l'apprenant facilite le processus de transfert des connaissances.

Dans le cadre de ces chroniques, nous limiterons notre examen du potentiel pédagogique à quatre médias : le livre, l'audioconférence, la cassette vidéo et les sites WEB sur Internet.

2.1- Le Livre
Le livre est le média " historique " et donc la référence en matière de transmission ou de mise à disposition des connaissances. Sa qualité intrinsèque de stabilité du contenu lui a permis de s'imposer dès son invention jusqu'à aujourd'hui. En effet, sa technique de fabrication, si elle a fortement évoluée au cours des âges, introduisait, dès l'apparition de l'imprimerie, une nouveauté essentielle : le même contenu était reproduit en plusieurs exemplaires, et malgré les insuffisances qualitatives des premiers incunables, les érudits du XVe siècle célébraient l'avantage incomparable qu'offrait la possibilité d'étudier à partir d'un contenu identique (même dans les erreurs), ce que n'assurait jamais la pratique de recopie des manuscrits. Outre cette caractéristique essentielle, le contenu d'un livre est également divisé et structuré en différentes parties, chapitres, paragraphes permettant un accès plus aisé au texte, facilité renforcée par l'existence des tables des matières et des index et l'enrichissement typographique de sa composition. Enfin, le livre est un média accessible au plus grand nombre, car son coût est raisonnable, son encombrement réduit et ne nécessitant pas la mise en œuvre de technologie extérieure, il est " autonome ".

2.2- L'audioconférence
L'audioconférence est un mode de communication faisant appel au téléphone. Les participants à une audioconférence peuvent, grâce à une connexion simultanée à un standard/serveur téléphonique, dialoguer entre eux. La personne qui a la parole est entendue par l'ensemble des autres participants.

Le système de symboles utilisé se limite au langage. La communication est multidirectionnelle et transitoire. La durée de disponibilité de l'information est courte et la seule facilité d'accès à l'information, outre la structuration du discours, est le questionnement qui reste contingenté par les règles d'usage nécessaires à une utilisation efficiente de ce médium.

L'audioconférence est relativement coûteuse (en fonction de l'éloignement des participants et des tarifications téléphoniques) mais ne nécessite pas de la part de l'apprenant de posséder des pré-requis technologiques importants.

2.3- La cassette vidéo
La cassette vidéo est un médium faisant essentiellement appel à deux systèmes de symboles : le langage et l'image. Le mode de transmission est unidirectionnel et la seule possibilité d'intervention de l'apprenant est de pouvoir, par un ou plusieurs visionnages, simuler la stabilité du message qui reste transitoire. L'accès au contenu peut être facilité par la structuration du message (scénario, mise en scène), les informations textuelles de la jaquette, le générique ou encore des signaux sonores. Toutefois, ce médium favorise avant tout la linéarité de la présentation des connaissances et offre très peu d'interactivité. Son utilisation nécessite un équipement technologique approprié (télévision et magnétoscope) qui est toutefois largement répandu dans les sociétés développées.

2.4- Les sites WEB sur Internet
Nous considérerons, ici, Internet à travers ses fonctions d'édition et de distribution de contenus multimédias (textes, images, illustrations, animations, vidéos, sons). Nous nous attacherons donc, aux contenus des sites WEB structurés en pages HTML et utilisant la navigation par hyperliens. Nous ne prendrons pas en compte les autres usages d'Internet tels que la messagerie électronique, les forums, les conférences audio et plus généralement l'ensemble des technologies synchrones où les internautes peuvent échanger en temps réel.

La caractéristique principale de ce nouveau média est l'interactivité. En effet, l'apprenant, pour avoir accès au contenu doit effectuer un certain nombre d'actions intellectuelles (lecture, choix…) et interactives (clics de souris principalement). Dès lors, on conçoit qu'il n'existe pas une navigation mais que celle-ci peut prendre des formes diverses au gré des choix successifs de l'apprenant. Le contenu n'est pas structuré de manière linéaire mais éclaté en petites unités reliées les unes aux autres par des hyperliens. Il est à noter que ces liens interactifs peuvent ne pas se limiter au contenu seul du site visité mais renvoyer à l'ensemble des informations disponibles sur Internet.

Les systèmes de symboles utilisés sont ceux de chacun des médias auxquels le concepteur du site fait appel pour transmettre son message. Toutefois, ils peuvent subir quelques modifications liées à la nature de l'équipement nécessaire pour se connecter à Internet (micro-ordinateur, modem, ligne téléphonique). Ainsi, le texte n'est plus forcément divisé en chapitres explicites et présente fréquemment un enrichissement typographique moindre que sur support imprimé. De même, la vidéo nécessite une mise en œuvre plus longue alors que l'image est réduite et de qualité nettement moins bonne que sur un téléviseur. Le son subi également une dégradation.

Malgré ces inconvénients, que les progrès technologiques devraient réduire, Internet offre une assez bonne stabilité du contenu. Plus important, il permet à l'apprenant de reproduire et de modifier facilement les informations diffusées.

L'accès au contenu peut être facilité par le déclenchement de routines informatiques permettant une sélection de mots clés. L'interface graphique d'un site constitue un moyen de suggestion de navigation.

Répandu très inégalement, l'accès à Internet reste d'un coût relativement élevé et impose à l'apprenant des connaissances informatiques préalables.

 Tableau 1 : Quelques caractéristiques de quatre médias

L'apprentissage par les médias
en formation à distance [2]

 

3 Les conditions de réalisation d'apprentissages à partir des médias

3.1 L'imprimé ou le livre
Les systèmes de symboles utilisés par l'imprimé sont le texte et les illustrations. L'apprenant au fil de sa lecture construit des représentations mentales à partir du sens propre du texte mais aussi à partir de la situation qui est décrite par le texte. En fonction de ses objectifs de lecteur, des informations contenues par le texte et des schémas stockés dans sa mémoire à long terme, l'apprenant modifie ses représentations mentales préalables ou en crée de nouvelles. Il peut recourir à des stratégies variées qui facilitent son appropriation des connaissances évoquées. Ces activités de transformation sont liées à la matérialité et aux autres caractéristiques de l'imprimé. Ainsi, la stabilité de ce médium permet à l'apprenant d'effectuer des retours en arrière ou d'adapter la vitesse de sa lecture. La mise en évidence de certains passages, l'annotation du texte transforment, au sens premier du terme, l'apparence et la forme graphique de l'imprimé. C'est en agissant sur la matérialité même du support que le lecteur traite puis s'approprie le contenu et sa signification.

Si les illustrations lui permettent d'accéder à des informations complémentaires ou d'avoir une vue synthétique du propos, il est particulièrement profitable pour le lecteur de créer ses propres schémas et tableaux, traductions graphiques de ses représentations mentales.

3.2 L'audioconférence
Dans le cas de l'audioconférence, l'apprenant ne peut s'appuyer sur aucune matérialité. Le système de symboles employé se limite au langage. Ainsi, au contraire de l'imprimé, les informations transmises sont transitoires et ne permettent pas de retour en arrière. C'est par un effort d'attention auditive que l'apprenant peut activer et modifier ses schémas préalables. L'utilisation de ce médium, dans le cadre d'un apprentissage, nécessite l'ajustement entre d'une part, la vitesse et la cadence du propos et d'autre part, la capacité de traitement de l'auditeur. Cette adéquation est d'autant plus essentielle que la transmission est dans un premier temps unidirectionnelle et linéaire. Toutefois, le dispositif technologique employé permet également des communications multidirectionnelles. Selon les règles de déroulement fixées, l'apprenant peut intervenir sur son processus d'apprentissage en posant des questions qui peuvent être l'occasion d'opérer des retours en arrière.

Les stratégies employées par l'apprenant (prise de notes, rédaction de synthèse, création de schémas et de tableaux) doivent lui permettent de donner une permanence aux propos échangés et de pallier ainsi au principal défaut de ce médium qu'est la fugacité des informations transmises.

3.3 La cassette vidéo
La cassette vidéo fait appel à plusieurs systèmes de symboles, l'image, le langage, parfois le texte et les illustrations. Son type de communication unidirectionnelle et la nature transitoire des informations rapproche ce médium de l'audioconférence. Toutefois, l'attention auditive, nécessaire, n'est plus le seul effort que l'apprenant doit faire. En, effet, son attention visuelle est la première sollicitée. La cadence des différents plans visuels doit être compatible avec la capacité visuelle de l'apprenant. Le texte et les illustrations dont la lecture est moins aisée que sur l'imprimé peuvent permettre une structuration et une illustration du propos.

L'avantage essentiel de la cassette vidéo par rapport à l'audioconférence réside dans la matérialité du médium qui permet à l'apprenant d'effectuer autant de visionnages que nécessaires à son apprentissage. Néanmoins, la linéarité du propos et l'absence fréquente de sommaire ou de table des matières adaptées (minutage de chaque partie par exemple) ne facilitent pas l'accès circonstancié aux connaissances évoquées.

Les stratégies d'apprentissage à disposition de l'apprenant ne sont pas directement liées à la technologie employée et se limitent essentiellement à la prise de notes et au traitement de celles-ci.

3.4 Les sites WEB sur Internet
Les systèmes de symboles utilisés par un site WEB sont ceux des différents médias qui le constituent. Parmi ces médias, nous trouvons le texte, le son, l'image fixe, les images animées et la vidéo. L'originalité d'Internet réside dans l'assemblage de ces différents médias et leur mise à disposition à travers une interface graphique utilisant la technologie des hyperliens. A l'opposé d'une linéarité définie, l'accès aux informations dépend de l'interactivité proposée par le concepteur du site et des choix effectués par l'apprenant.

Un site WEB n'est pas un médium fermé sur lui-même. Au-delà des hyperliens qui peuvent donner accès à l'ensemble des informations disponibles sur Internet, les caractéristiques originales de ce support multimédia sont le stockage et la reproduction des informations présentées. En effet, l'apprenant peut enregistrer ou copier les différents fichiers informatiques ou éléments textuels et graphiques. Dès lors, les possibilités de transformation et d'appropriation sont nombreuses et variées. Parmi elles, l'enregistrement d'un texte et sa modification possible à travers l'utilisation d'un logiciel de traitement de texte.

Néanmoins, les stratégies d'apprentissage à disposition de l'apprenant sont contingentées par la forme même du site. Ainsi, une interface à l'ergonomie mal adaptée aux connaissances de l'apprenant peut se révéler un obstacle rédhibitoire à l'accès au contenu. De plus, les procédures de transformation et d'appropriation nécessitent des connaissances préalables en informatiques et sur l'utilisation des médias. Enfin, les nouveautés techniques affectant les sites WEB sont fréquentes et imposent à l'apprenant d'assurer une véritable veille technologique.

 

Tableau 2 : Conditions de réalisation de l'apprentissage et activités de transformation possibles

 

4 Autres médias susceptibles de favoriser les mêmes apprentissages

4.1 Les autres médias
Nous listerons, ici, les médias qui peuvent être utilisés en formation à distance et que nous n'avons pas traités précédemment. Nous adopterons, dans un premier temps, la classification retenue par le CCFD qui regroupe les médias en fonction de leur technologie (imprimé, audio, vidéo, informatique). Puis nous établirons un tableau des systèmes de symboles utilisés par chacun d'eux.

Outre les livres et les documents imprimés que nous avons évoqués, les textes peuvent être reproduits et distribués à l'aide d'un télécopieur. C'est un " appareil qui numérise l'image d'une page… pour une transmission via le réseau téléphonique ". L'intérêt de ce média est double. D'une part l'information transmise est la copie exacte de l'original quelle que soit la distance entre le point d'émission et celui de réception. D'autre part, la rapidité de transmission, permet à l'apprenant et à son tuteur d'échanger dans des délais courts.

Le premier média audio utilisé en formation à distance est sans conteste la radio. Elle permet à partir d'un point unique d'émission de joindre de nombreux apprenants disséminés. Sont également utilisés, les cassettes audio, médium unidirectionnel, et le téléphone qui est surtout employé pour l'encadrement de l'apprenant.

La télévision, le plus souvent unidirectionnelle, est parfois interactive. Dans ce cas, il est nécessaire de recourir à des logiciels spécifiques. La vidéoconférence permet une communication multipoints. Les systèmes vidéos qui nécessitent des infrastructures importantes ont l'avantage d'introduire un " présentiel virtuel ".

L'informatique permet l'utilisation de logiciels ou applications spécifiques et de nombreux médias : logiciels de simulation ; accès à des bases de connaissances ; CD-ROM ; Intranet et Internet comportant de l'hypertexte, du son, des vidéos, des systèmes de messagerie et permettant des communications téléphoniques ainsi que la tenue de conférences audio et vidéo. Le potentiel des solutions informatiques est en développement permanent depuis l'apparition de la micro-informatique et des architectures en réseau. L'informatique a pour ambition de rassembler l'ensemble des médias traditionnels.

 

Tableau 3 : Les systèmes de symboles utilisés par les médias

 

Comme nous le montre ce tableau, l'imprimé favorise le texte et les illustrations, l'audio n'a recours qu'au langage, la vidéo utilise de manière synergique l'image et le langage et peut avoir recours au texte et aux illustrations, l'informatique ambitionne, par une démarche syncrétique, le statut de méta-média recourant à l'ensemble des systèmes de symboles.

4.2 Les apprentissages réalisables
L'apprentissage, comme nous l'avons vu, est un processus d'acquisition de connaissances et de changement de savoir-faire et de savoir être de l'apprenant.

Si les médias sont les supports matériels du contenu que doit s'approprier l'apprenant, il ne peut atteindre cet objectif que par le recours à des stratégies et des modes méthodologiques appropriés.

Ainsi, l'apprentissage réel d'un apprenant est égal au produit des stratégies qu'il emploie pour accéder au contenu et mettre à jour ses représentations mentales.

Les stratégies d'apprentissage sont plus liées aux systèmes de symboles utilisés par le média qu'à la nature même du média. C'est donc par l'identification des systèmes de symboles (cf. tableau 3) que les médias utilisent que l'apprenant est en mesure de construire son parcours d'apprentissage.

 

Tableau 4 : Quelques stratégies d'apprentissage possibles à partir des différents systèmes de symboles

 

5 Conclusion

Le choix d'un média plutôt qu'un autre pour une action de formation à distance suppose pour le concepteur d'avoir identifié le plus précisément possible les fonctionnalités et les potentialités des médias à sa disposition.

Si notre étude s'est limitée à quatre médias, nous avons pu identifier que l'apprentissage était fortement contingenté par les stratégies que l'apprenant peut adopter en fonction des systèmes de symboles utilisés pour la présentation des connaissances à acquérir.

De ce constat, nous avons essayé de tirer une grille comparative de l'ensemble des médias pouvant être adoptés pour une action de formation à distance.

Parmi, ces différents médias, il nous semble que l'informatique, plus encore les solutions multimédias et parmi elles l'Internet offre des potentialités pédagogiques riches. Ceci tient à sa capacité à intégrer les médias traditionnels dans un seul et même environnement interactif. Pour autant, les stratégies d'apprentissage utilisables sur Internet ne sont pas entièrement nouvelles. A notre avis, une action de formation à distance en ligne devrait toujours proposer un soutien méthodologique à l'apprenant sur les stratégies applicables au texte, à l'illustration, au langage et à l'image.

Enfin, nous tenons à souligner que le choix d'un média ne peut pas s'effectuer sans tenir compte d'autres paramètres extérieurs à lui comme les caractéristiques de l'apprenant ou le respect d'une enveloppe budgétaire.

 

Formations à distance
asynchrones ou synchrones ?

 

1 Asynchrone ou synchrone ?

Les représentants des entreprises conceptrices de solutions de formation à distance vantant les mérites de leurs produits dans le cadre des " jeudis du Préau " (1) ont souvent été interpellés par cette question initiale de Serge Ravet (2) : asynchrone ou synchrone ? Il est vrai que la réponse à celle-ci permet de mieux cerner la réalité d'un dispositif de formation à distance et d'en déduire de nombreuses informations tant sur le plan de la fabrication du matériel pédagogique, sur les modes d'encadrement ou la structure des coûts.

Par ailleurs, nous avons constaté que l'un et l'autre mode ont leurs farouches partisans. Ceux de la non synchronisation de l'enseignement et de l'apprentissage se revendiquent pédagogues pragmatiques et suspicieux envers la technologie quand ceux de la synchronisation ne jurent que par les promesses des nouvelles technologies et la largeur de la bande passante. Laissons les [se] disputer…

Alors, asynchrone ou synchrone ? Comme vous l'avez compris, nous ne formulerons pas ici, LA réponse unique et définitive. Plus modestement, et nous osons l'affirmer, plus judicieusement, après avoir présenté la typologie des formations à distance d'Alain Meyer et en avoir proposé quelques prolongements, nous soulèverons d'autres questions, telles que la nature de la distance dans les dispositifs asynchrones et synchrones, la place des différents acteurs et, en particulier, celles de l'enseignant et de l'apprenant dans l'un et l'autre mode, les solutions d'encadrement autorisées et leur pertinence.

Nous suggèrerons alors que le choix entre asynchrone ou synchrone n'est pas forcément exclusif, que la solution de formation à distance retenue devrait toujours être celle qui permet aux publics concernés, en fonction de leurs profils d'apprenants et de leurs contextes d'apprentissage, d'atteindre les objectifs pédagogiques visés.

 

2 La typologie d'Alain Meyer

Nous présentons ici, succinctement, quelques idées qu'Alain Meyer a exposées dans un article d'ouvrage collectif. (3) Il organise sa classification des formations à distance autour du choix binaire : asynchrone ou synchrone.

2.1 Formations à distance asynchrones

Une des caractéristiques principales de la formation à distance en mode asynchrone réside dans le fait que l'apprenant devient l'acteur essentiel de son apprentissage. Face au matériel pédagogique, incarnation de l'enseignement, l'apprenant à distance se trouve relativement isolé et doit, quelles que soient les différentes formes de support dont il bénéficie, développer sa capacité à l'autonomie. En ce sens, il est possible de rapprocher formation à distance et auto-formation ou auto-apprentissage.

À partir de ce constat, Meyer distingue quatre situations d'auto-apprentissage : i) auto-apprentissage individuel intégral ; ii) auto-formation individuelle en centre de ressources ; iii) auto-formation collective en centre de ressources, iv) auto-formation collective à distance.

Sans entrer dans le détail de ces distinctions, nous constatons qu'elles s'organisent autour de deux alternatives : individuel/collectif et unicité géographique/pluralité géographique.

2.2 Formations à distance synchrones

Meyer relève, qu'en situation synchrone, l'enseignant et l'apprenant sont en prise directe. La distance est abolie par le média utilisé, mais la présence temporelle est obligatoire. Le cours est à proprement parler médiatisé. Les médias utilisés sont très variés et peuvent être " …caractérisés à l'aide de trois paramètres : le niveau d'interactivité entre les acteurs, la forme des informations transmises et le canal de transmission utilisé ".

Pour notre part, il nous semble nécessaire, comme Geneviève Jacquinot (4) le préconise , de faire la distinction entre " interaction " et " interactivité ".(5) L'interactivité comprenant l'ensemble des modalités d'échanges entre l'utilisateur et le média et l'interaction qualifiant les influences réciproques des participants à une même situation de communication. Par ailleurs, il nous semble opportun de caractériser les médias en fonction de ce que R.B. Kozma (6) nomme " les systèmes de symboles " , et qui correspondent aux grandes catégories de signes que nous utilisons pour communiquer : langage, texte, images, illustrations, musique…(7) Enfin, si le média doit être envisagé sous son aspect " canal de transmission ", c'est à dire comme support de contenu, il est primordial de ne pas omettre qu'il structure également le cadre dans lequel la relation entre les acteurs s'établira ou non.

Dans le tableau ci-dessous, nous proposons, à partir des postulats d'Alain Meyer, de nouveaux critères permettant de typer une action de formation à distance en mode synchrone.

 

3 Les natures de la distance

Avant de nous intéresser plus précisément aux caractéristiques de la distance en formation, il apparaît utile de préciser les différents sens courants de ce terme. Pour cela nous nous appuierons sur les définitions du dictionnaire " Le Petit Larousse " :

Distance

1.a. Intervalle séparant deux points dans l'espace ; longueur à parcourir pour aller d'un point à un autre.
1.b. Espace à parcourir dans une course.
2. Intervalle de temps entre deux instants, deux époques.
3. Différence qui résulte d'une inégalité de niveau social, d'âge, de culture, etc.
4. Géométrie. Distance de deux points, longueur du segment qui les joint.
5. À distance : à une certaine distance dans l'espace ; en prenant un certain recul dans le temps.

À la lecture de ces quelques définitions, nous constatons que la distance revêt trois dimensions : géographique, temporelle et socio-culturelle. Ainsi, la distance dans une formation à distance est à repérer sur trois continuums : proche à éloigné ; simultané à différé ; égalité à inégalité.

Nous remarquons également que la synchronisation ou la non-synchronisation de l'enseignement et de l'apprentissage n'implique pas un positionnement identique sur ces trois continuums. Par exemple, un cours retransmis par visioconférence peut se situer sur la borne " éloigné " du continuum géographique alors qu'elle impose une simultanéité temporelle.

3.1 La distance en mode asynchrone

La distance en mode asynchrone qui est en premier lieu temporelle, peut également être géographique. Elle s'impose entièrement aux différents acteurs qui ne peuvent s'y soustraire. Il faut faire avec. C'est pour cette raison que les institutions pionnières de FAD (CNED, Open University, TELUQ) ont développé de nouvelles approches pédagogiques où l'apprenant est beaucoup plus responsabilisé qu'en situation " présentielle ".

La communication nécessitant un délai, il est nécessaire que chacun pense précisément à ce qu'il souhaite exprimer ou demander, le " bavardage " devient inopérant. La distance n'est plus réellement une contrainte mais une composante consubstantielle de la relation pédagogique. Dès lors, les acteurs ont la possibilité d'investir cette opportunité que leur offre la distance : individualisation du propos, développement de l'autonomie, apprentissage à son rythme etc.

La palette des médias utilisés en mode asynchrone est large (de l'imprimé à la messagerie électronique). Si ces médias ne sont pas les plus à la pointe sur le plan technologique, ceci tient plus à la poursuite de l'utopie de démultiplication virtuelle de la réalité poursuivie par les développeurs de médias synchrones, qu'à une véritable prise en compte des besoins des utilisateurs des médias asynchrones.(8)

3.2 La distance en mode synchrone

En situation d'apprentissage synchrone à distance, le but recherché est de pallier la distance géographique, vécue comme une contrainte. Les médias utilisés doivent reproduire le plus possible la situation d'apprentissage en " présentiel ". Ils sont donc choisis davantage pour le cadre relationnel qu'ils définissent que pour leur qualité de support/transmetteur/distributeur de contenu et que pour les possibilités d'appropriation de ce contenu par l'apprenant. Nous remarquons que la plupart des évolutions technologiques de ces dernières années s'inscrivent dans cette démarche puisqu'elles visent à atteindre une " virtualité " qui se veut la copie la plus conforme possible des situations " présentielles ".

L'abolition de la distance géographique s'accompagne d'une impossibilité de prise de distance temporelle. Ainsi, l'abandon d'une des promesses de la formation à distance, l'apprentissage autonome, à son rythme et selon sa disponibilité, est le tribut à payer au mode synchrone.

 

4 La place et le rôle des acteurs

Si certains acteurs tels que le personnel administratif (service des inscriptions, bibliothécaires…) ou les commerciaux contribuent à la réalité d'une action de formation à distance, nous nous intéresserons ici, principalement à la place des enseignants et des apprenants dans les situations asynchrones et synchrones. Il est à noter qu'en fonction des modèles pédagogiques auxquels les concepteurs de formation se réfèrent, la place des acteurs et leurs rôles varient.(9) Ne pouvant, dans le présent texte, aborder l'ensemble des cas en détail, nous situons notre propos sur un registre plus général.

4.1 L'enseignant en mode asynchrone

L'enseignant, comme en formation " présentielle ", est en charge du cours. Toutefois, les nécessités de la production du matériel pédagogique sur un mode industriel influent de manière importante sur les formes de son intervention. Médiatiser, ou plus exactement adapter ou créer un cours en tirant partie des fonctionnalités technologiques d'un média, impose à l'enseignant de posséder des connaissances minimales sur ce média. Pour autant, ces dernières ne lui servent, le plus souvent, qu'à dialoguer avec les spécialistes qui seront en charge de la mise en forme du matériel. De même, des experts de l'ingénierie pédagogique ou encore des gestionnaires participent à l'équipe conceptrice du cours. On constate donc, que l'enseignant perd la " toute-puissance " qu'il possède dans le secret de sa classe ou de l'amphi. Il est sollicité principalement comme spécialiste de contenu. Au mieux, il aura la responsabilité de l'équipe conceptrice et devra alors posséder les habiletés d'un animateur et coordonnateur, le plus souvent ce rôle sera dévolu à un chef de projet recruté pour ses qualités organisationnelles et relationnelles.

Le changement fondamental pour l'enseignant réside dans le fait qu'il ne construit plus son cours au fur et à mesure de sa dispense et en interaction avec les apprenants mais qu'il doit rassembler, modulariser, trier, ordonner le contenu de son cours, anticiper les rétroactions des apprenants, négocier avec les autres membres de l'équipe conceptrice et… disparaître derrière le matériel pédagogique produit. Il est extrêmement rare qu'il puisse entrer en contact direct avec les futurs apprenants qui lui seront distants géographiquement et temporellement. Il est donc certain, pour des raisons de compétences ou d'intérêt, que chaque enseignant " présentiel " ne peut se transformer en concepteur de matériel pédagogique médiatisé.

4.2 L'enseignant en mode synchrone

La place de l'enseignant dans un dispositif de formation à distance synchrone ne subit pas de profondes modifications par rapport à celle qu'il occupe en situation " présentielle ". Comme nous l'avons vu, les technologies et médias synchrones (le " chat ", la visioconférence, le " tableau blanc " etc.) tentent de reproduire virtuellement une situation analogique. Seule une familiarisation de niveau utilisateur avec le média se révèle nécessaire. Il est à noter que les possibilités d'interaction avec les apprenants qui sont alors offertes à l'enseignant sont plus formelles qu'en face à face.

4.3 L'apprenant en mode asynchrone

L'apprenant en mode asynchrone accède au matériel pédagogique après que celui-ci a été entièrement conçu, formaté et, enfin, distribué. Une de ses premières tâches est de repérer l'ensemble des ressources à sa disposition et d'identifier les stratégies qu'il doit mettre en œuvre pour en tirer le meilleur parti.

Il apparaît donc que les premières habiletés dont il doit faire preuve sont d'ordre méthodologique. En effet, après avoir inventorié les différents éléments constitutifs du matériel pédagogique, l'apprenant doit planifier son apprentissage, c'est à dire, ajuster ses objectifs, dimensionner ses moyens, définir ses stratégies, gérer son apprentissage sur les plans cognitif, " motivationnel " et affectif, s'autoréguler et mettre en œuvre des activités métacognitives, s'auto-évaluer, bref, exercer et développer son autonomie.

Un apprenant à distance en mode asynchrone ne semble pouvoir le rester et obtenir la réussite dans son apprentissage qu'en s'inscrivant dans un véritable processus d'autonomie.(10) Aussi, il n'est pas très surprenant que l'accès à l'autonomie soit défini comme objectif à part entière de nombreuses formations asynchrones.(11)

4.4 L'apprenant en mode synchrone

La place de l'apprenant en mode synchrone est comparable à celle d'un étudiant " présentiel ". Son sentiment d'isolement est réduit car la distance temporelle est abolie. Il peut faire le lien avec les situations d'apprentissage " présentielles " qu'il a précédemment vécues. Toutefois, les interactions de l'apprenant avec ses pairs ou l'enseignant sont plus formalisées, car dépendantes des fonctions du média.

L'apprenant accède à l'objet de son apprentissage à un instant défini et transitoire. L'enseignement de type linéaire a tendance à stéréotyper les apprentissages et ne permet pas, ou peu, l'individualisation des parcours. De même, la non permanence du propos ne permet pas à l'apprenant de procéder aisément à des retours en arrière.

De manière générale, il est dans une situation de passivité relative qui, au fil de la séance, est renforcée par sa difficulté croissante à mobiliser son attention auditive et/ou visuelle.

 

5 L'encadrement

Nous n'évoquerons pas l'ensemble des solutions et des modalités d'encadrement dont peut bénéficier un apprenant à distance.(12) Nous nous limiterons à déterminer les caractéristiques générales des systèmes d'encadrement en mode asynchrone et synchrone.

5.1 L'encadrement en mode asynchrone

L'encadrement asynchrone est caractérisé, en premier lieu, par le délai auquel est soumis le dialogue entre l'apprenant et la personne-ressource qui l'encadre (nous la dénommerons, par généralisation et facilité, " tuteur "). De cette temporisation découlent plusieurs autres signes distinctifs de ce type d'encadrement, tels que : l'incertitude sur la durée du délai, la non assurance que les réponses aux questions soient complètes, l'effet de cumul des délais en cas de demandes de précisions.

La communication entre l'apprenant et le tuteur en perdant de sa spontanéité, c'est l'échange d'informations qui se trouve favorisé par rapport au développement de la relation. Or, si l'encadrement semble indispensable, c'est bien pour sa capacité à recréer du lien social et faire toute sa place à la médiation humaine au côté de la médiatisation technologique.

Pour autant, la distance temporelle peut se révéler être un précieux incitateur, pour l'apprenant, à chercher et à trouver les solutions par lui-même. La formulation d'un message auquel nulle rétroaction immédiate n'est possible, oblige l'émetteur à mieux identifier et structurer son propos.

Par ailleurs, certaines expériences (13) tendent à établir que les interlocuteurs asynchrones, notamment lorsqu'ils utilisent la messagerie électronique, peuvent se sentir désinhibés par le média et montrer une certaine facilité à s'investir affectivement. S'il est vrai que le média par ses rôles de lien, mais aussi de filtre, met plus en communication les avatars des interlocuteurs que les interlocuteurs eux-mêmes, il n'en reste pas moins que relation il y a et que celle-ci se développe de manière originale et individuelle.

En effet, l'autre grande caractéristique de l'encadrement asynchrone est sa capacité d'individualisation. Le tuteur, à part dans quelques situations comme les forums sur Internet, ne s'adresse pas à un groupe d'apprenants, mais à chaque individu de manière distincte. Il peut ainsi tenir compte de la personnalité de chacun. Parmi les qualités qui lui sont demandées, celle d'éprouver de l'empathie pour l'apprenant n'est pas la moins importante.

Enfin, l'encadrement asynchrone est souvent plus facile à organiser, dans la mesure où les médias utilisés sont plus répandus, moins onéreux et de mise en œuvre plus simple que les médias synchrones.

5.2 L'encadrement en mode synchrone

L'intérêt pour l'encadrement en mode synchrone est ancien. Très vite les institutions de formation à distance ont repéré tous les avantages qu'elles pouvaient tirer d'un encadrement, le plus souvent individuel et en temps réel. À titre d'exemple, le tutorat téléphonique a été jusqu'à très récemment le mode d'encadrement préféré des apprenants de la TELUQ.

L'une des constantes regrettables de la formation à distance est le taux particulièrement élevé d'abandon (de 40 à 60%). Or, un apprenant qui abandonne est aussi un client qui, dans la plupart des cas, ne passera plus commande. Dès lors, la possibilité d'un contact " en direct " avec l'apprenant est apparue comme une réponse " pédago-commerciale " intéressante. Le premier média synchrone utilisé pour encadrer les apprenants à distance a été, et reste encore aujourd'hui, le téléphone. Bien évidemment, d'autres médias sont à ce jour utilisés tels que le " chat ", la visioconférence ou encore le " tableau blanc ".

On ne peut limiter les avantages d'un encadrement synchrone à l'aspect commercial. Le fait qu'un apprenant puisse échanger en temps réel avec un tuteur est également pertinent sur les plans cognitif, métacognitif ou affectif : l'apprenant obtient rapidement les informations qui lui font défaut pour poursuivre efficacement son apprentissage ; il peut engager une véritable négociation sur le sens des résultats de son apprentissage ; la communication établie renforce son sentiment d'appartenance à une communauté pédagogique ; sa motivation et sa persévérance sont affermies.

Toutefois, l'encadrement synchrone entraîne un certain nombre de contraintes liées aux conditions de sa réalisation. Les différents interlocuteurs doivent être disponibles au même moment et développer leurs habiletés à dialoguer à travers le média, c'est à dire à maîtriser ses fonctionnalités.

 

6 Pour des formations à distance " bi-chrones "

En examinant de manière séparée les modes asynchrone et synchrone, nous avons pu identifier leurs points forts et leurs faiblesses. Aussi, plutôt que de les opposer, nous sommes enclins à souligner leur complémentarité.

Avant cela, il nous semble nécessaire de rappeler que les moyens techniques au service d'une action de formation à distance devraient toujours être dimensionnés en fonction des apprenants concernés. Quelles sont leurs connaissances techniques ? Quels types de médias leurs connaissances préalables leur permettent-elles d'utiliser ? Peut-on leur imposer un rythme de travail ? Si oui, est-ce à leur profit ? À celui de l'institution ? Quels besoins d'encadrement peuvent être les leurs ?

Ces questions et bien d'autres appellent des réponses avant même que les concepteurs de la formation à distance procèdent au choix des médias. Bien plus, c'est en fonction des réponses formulées que les options technologiques devront être prises. En effet, quelle serait la pertinence du recours à un matériel imprimé dans une formation à la navigation sur Internet ? Ou bien celle de l'utilisation de la visioconférence pour des apprenants qui ne peuvent être disponibles à l'heure de diffusion. A cet égard, il est également important de valider le choix d'un média en fonction des stratégies d'apprentissages qu'il autorise.

En second lieu, ce sont les connaissances à enseigner qui doivent guider les concepteurs. Certains contenus se prêteront mieux que d'autres à l'emploi de tel ou tel média. Dans l'enseignement des langues, le son est à privilégier, dans celui de la typographie, le support imprimé est le média naturel.

Nous en concluons qu'en formation à distance, la technologie doit être considérée comme une boîte à outils dont on se sert pour atteindre des buts pédagogiques. De ce fait, elle ne doit pas avoir la primauté sur les acteurs et le contenu, mais être à leur service telle la charte graphique d'une revue qui sert l'accessibilité et la lisibilité des textes.

 

Alors, asynchrone ou synchrone ? La réponse à cette question est encore trop souvent exclusive et simplificatrice. il nous semble, au contraire, qu'elle mériterait une réponse inclusive et complète, donc complexe. Aussi, nous n'avons pas la prétention de donner ici une recette qui serait applicable dans tous les contextes et pour tous les publics.

Nous souhaitons simplement exprimer l'idée que les différences de temporalité entre les deux modes que nous avons examinés peuvent se combiner harmonieusement au sein d'une même action de formation à distance. Par là, nous exprimons nos préférences, naturellement subjectives, qui reflètent notre expérience concrète d'apprenant à distance.

Il nous semble qu'à chaque fois que l'apprenant est confronté à des contenus importants quantitativement et qualitativement, il est souhaitable que le matériel pédagogique soit diffusé en mode asynchrone, ce qui implique sa permanence et accroît son accessibilité. L'inconvénient de sa préparation initiale et de sa mise à jour plus ou moins aisée est largement compensé par le fait que l'apprenant ne peut se contenter d'une attitude passive mais, bien au contraire, doit s'engager dans un processus d'autonomie. Des contenus complémentaires ou illustratifs peuvent être diffusés ponctuellement en mode synchrone sous réserve qu'ils ne dédouanent pas les concepteurs du matériel asynchrone de rendre celui-ci réellement autoportant. En ce qui concerne l'encadrement, il nous semble que le mode synchrone est à privilégier tant que l'apprenant n'a pas acquis suffisamment d'autonomie, mais qu'ensuite le mode asynchrone se révèle parfaitement satisfaisant. Néanmoins, l'apprenant doit se voir offrir régulièrement la possibilité d'un encadrement synchrone, afin que son appartenance à la communauté pédagogique ne soit pas qu'un sentiment mais une réalité plus palpable qu'en mode asynchrone.

Faciliter le passage d'une situation asynchrone à synchrone et vice-versa pour servir l'enseignement et l'apprentissage c'est penser la distance dans toute sa complexité, c'est envisager une temporalité plurielle pour des formations à distance que nous qualifierons alors de " bi-chrones ".

 

Notes

(1) Le Préau : http://www.preau.asso.fr

(2) Serge Ravet. Directeur de EIfEL (European Institute for E-Learning). Animateur du Préau jusqu'en décembre 2000.

(3) Alain MEYER, Une typologie des formations à distance dans Guide du multimédia en formation, Paris, Retz, 1999.

(4) Entretien de G. Jacquinot à la TELUQ (cassette audio), matériel pédagogique du cours Communication et formation à distance du DESS " Formation à distance ".

(5) Sur ce point voir également F. Demaizière et C. Dubuisson (1992). À propos d'interactivité.

(6) R.B. KOZMA (1991). Apprendre à l'aide médias.

(7) Voir notre texte L'apprentissage par les médias en formation à distance (chroniques de janvier et février 2003).

(8) Sur les insuffisances fonctionnelles constatées d'une conférence électronique en situation d'apprentissage, voir notre texte La conférence électronique, média et situation de communication pédagogique (chronique de décembre 2002).

(9) Voir présentation de notre texte Les modèles pédagogiques en formation à distance (1999).

(10) Sur l'autonomie, voir A.-J. DESCHÊNES (1991). Autonomie et enseignement à distance et présentation de notre texte Définitions et enjeux de l'autonomie (2000).

(11) C'est notamment le cas à la TELUQ.

(12) À ce sujet, voir notre texte L'encadrement des apprenants en formation à distance (chroniques de septembre, octobre et novembre 2002).

(13) Voir les travaux de Mario Poirier à la TELUQ.

 

Pratiquer l'écoute active
en formation à distance [1]

Introduction

Écouter, c'est comprendre ce que l'on entend, ce que l'on voit, ce que l'on ressent. Sans écoute, il n'y a pas de " co-mmunication " mais seulement " munication ". L'écoute est une activité centrale de la relation pédagogique tant lors de la phase d'enseignement que durant celle de l'apprentissage. Elle est nécessaire aux enseignants comme aux apprenants et se révèle une stratégie indispensable qui néanmoins reste souvent implicite. L'écoute active est une technique qui permet à ceux qui l'utilisent de prendre conscience des différentes dimensions de la communication entrain de se faire. Il ne s'agit plus seulement d'écouter l'autre parce qu'il s'exprime, mais d'arriver d'une part, à rendre explicite et donc compréhensible, son discours sur différents aspects : contexte, parole, communication non verbale et d'autre part, de prendre conscience de ses propres freins à l'écoute : préjugés, distraction, sélection des informations, ajouts par généralisation, etc.

L'écoute active ou encore empathique s'est tout d'abord développée dans la relation thérapeutique. Ce n'est que par la suite et avec le concours de penseurs comme Carl Rogers, qu'elle a été progressivement et encore minoritairement utilisée en situation pédagogique. Cette technique semble profondément liée à la rencontre en présentiel du fait qu'elle nécessite de mobiliser son attention sur l'ensemble des registres sensuels. Une des caractéristiques de la distance, c'est qu'elle installe les individus dans une situation où précisément ils ne peuvent tirer des informations par tous leurs sens. Comment goûter à distance ? Comment sentir à distance ? Comment toucher à distance ? Comment voir à distance ? Comment entendre à distance ? De plus, les interlocuteurs à distance communiquent par l'intermédiaire de médias utilisant des registres et des systèmes de symboles limités. Le téléphone ne permet que d'entendre. Le mail se limite au texte écrit et éventuellement à des images fixes. Il en est de même avec les systèmes plus perfectionnés de visioconférence qui simulent très imparfaitement la rencontre en présentiel. Dès lors, il est naturel de se demander si l'écoute active est une technique employable à distance et plus particulièrement en formation à distance.

Afin de répondre à cette question, nous situerons l'écoute dans le cadre plus général de la communication. Nous présenterons ensuite les principes qui fondent l'écoute active. Enfin, nous tenterons d'identifier la manière dont cette technique peut être adaptée à la distance.

 

L'écoute dans la communication

La place de l'écoute dans la communication est intimement liée à la représentation que l'on se fait de la communication. Myers et Myers (1990) décrivent les principaux modèles de communication. Nous nous limiterons à en présenter succinctement deux : le modèle mécaniste et le modèle systémique ainsi que le prolongement de ce dernier dans la sphère pédagogique.

Le modèle mécaniste

Selon la théorie du traitement de l'information dont Shannon est le plus représentatif, la communication existe dès lors qu'une information est transformée en message transmis par un émetteur sous la forme d'un signal, signal qui subit certaines altérations ou bruits qui le transforme en signal reçu par un récepteur qui le retraduit en message. L'amélioration de la communication est principalement de la responsabilité de l'émetteur qui doit adapter son message. Le récepteur, celui qui écoute, est considéré comme secondaire dans la mesure où un message bien émis et bien transmis, notamment par la réduction des bruits, est un message bien reçu.

Nous pouvons noter qu'en situation pédagogique, l'émetteur est le plus souvent l'enseignant et les récepteurs les apprenants. L'application concrète de ce modèle trouve sa parfaite expression dans les cours magistraux où l'enseignant s'attache à soigner son discours, à le perfectionner et le rendre accessible aux apprenants qui l'écoutent. Il s'agit en quelque sorte, pour lui, de viser et de toucher sa cible.

Le modèle systémique

Le modèle systémique, issu de nombreuses recherches (Bateson, Watzlawick), avance qu'en matière de communication les acteurs sont tous liés les uns aux autres et qu'ils s'influencent réciproquement. Il se fonde sur six principes : i) nous ne pouvons pas ne pas communiquer. Même lorsque nous gardons le silence, celui-ci est communication ; ii) la communication cherche à être prévisible. Nous communiquons pour anticiper la situation future dans laquelle nous serons avec nos interlocuteurs ; iii) la communication est un processus continu. Elle n'a pas de début ni de fin sinon ceux que l'on se fixe ; iv) la communication s'établit à deux niveaux, celui du contenu et celui du relationnel ; v) la communication se fait d'égal à égal ou à la verticale ; vi) la communication est un partage de significations. Chacun en fonction de ses caractéristiques personnelles se représente différemment un même objet.

S'inspirant de ce modèle systémique, Tardif (1992) identifie huit principes qui fondent la communication pédagogique stratégique : i) l'enseignement est un acte de communication ; ii) il est impossible pour l'enseignant de ne pas communiquer avec l'apprenant ; iii) la représentation que l'enseignant à de l'apprenant est restreinte et restrictive ; iv) l'efficacité de la communication de l'enseignant avec l'apprenant est déterminée par les réactions qu'elle suscite ; v) la communication de l'enseignant avec l'apprenant est plus influente dans la mesure où il le rencontre dans son modèle du monde ; vi) l'apprenant fait toujours le meilleur choix parmi les choix possibles ; vii) les ressources dont l'apprenant a besoin pour réussir sont en lui-même ; viii) le cadre dans lequel une situation est perçue par l'enseignant et par l'apprenant détermine le sens qu'ils lui attribuent.

Dès lors que la communication n'est plus envisagée comme une simple suite mécanique mais comme un système à l'intérieur duquel les acteurs sont tour à tour émetteurs et récepteurs, voire comme le souligne Roger Desmet (1991), comme des émetteurs s'apprêtant à réceptionner et des récepteurs s'apprêtant à émettre, l'écoute se trouve réévaluée et mise au même niveau que la parole. Cette écoute ne se limite d'ailleurs pas aux seuls signaux verbaux mais prend également en compte le contexte dans lequel elle s'effectue (lieu, statut des interlocuteurs, poursuite de communication, etc.) ainsi que les signaux non verbaux (places, attitudes, etc.). Encore faut-il s'entendre sur ce que signifie " écouter " et définir ce que l'on nomme l'écoute active.

 

L'écoute active

Nous avons tous fait l'expérience de discussions à bâton rompu où tour à tour les interlocuteurs s'interrompent, font des digressions, changent de sujet. Ce type de communication est certainement essentiel à la dimension sociale et affective des échanges que nous avons avec les autres. Pour autant, il nous faut convenir que l'essentiel ne réside pas alors dans la compréhension approfondie de ce qui se dit et que souvent nous serions bien en peine de faire une synthèse des propos émis ou simplement de se remémorer telle ou telle parole. Dans cette situation, les interlocuteurs sont avant tout des émetteurs et ne se préoccupent pas de leur rôle de récepteur. La parole prime l'écoute et l'énonciation prime l'énoncé.

À l'opposé de ces pratiques courantes et souvent conviviales, l'écoute active se présente comme une technique nécessitant une prise de conscience sur la qualité de son écoute et l'acquisition d'habiletés à mieux écouter.

L'écoute, Pourquoi ?

Pourquoi écouter ? Pour trouver les réponses à cette question simple en apparence, il est utile de se demander pourquoi l'on souhaite soi-même être écouté. Ce que l'on demande à nos interlocuteurs, c'est que, lorsque nous faisons l'effort de trouver les mots les plus justes pour traduire notre pensée, ceux-ci comprennent ce que l'on souhaite leur communiquer. Or, il arrive fréquemment que la réponse émise nous informe de la non compréhension de notre propos. Notre premier réflexe est alors de reprendre notre démonstration, d'affiner nos arguments, persuadés que nous sommes de nous être mal exprimés la première fois. Si notre interlocuteur ne saisit toujours pas exactement la signification de notre message, nous nous retrouvons assez désarmés et constatons qu'il est bien difficile de se faire comprendre.

Hormis le cas où nous ennuyons manifestement les personnes auxquelles nous nous adressons, ce dont nous pouvons nous apercevoir facilement en percevant les signes de désintérêt ou même d'agacement que celles-ci nous renvoient, il faut convenir que le désir de comprendre ne suffit pas à une bonne écoute. Tel ami à qui nous faisons part d'un problème personnel sera tenté, de par l'affection qu'il nous porte, de nous donner des réponses, des conseils en rebondissant sur un mot ou une expression que nous avons utilisé. Nous aura-t-il écouté ? Aura-t-il réellement compris notre envie de communiquer ? Notre but n'était-il pas simplement de l'informer et non pas de rechercher des solutions qu'il nous semble devoir trouver par nous-mêmes ?

Cet exemple montre bien que toute communication est empreinte des intentions des interlocuteurs. Or, nous n'exprimons pas systématiquement les buts que nous poursuivons à travers la communication et lorsque nous le faisons, c'est parfois pour en cacher d'autres, consciemment ou non. Dans le cas plus exceptionnel où deux interlocuteurs annoncent leurs intentions de communication en termes identiques, chacun d'entre eux ne possède pas les mêmes représentations et ne donne pas la même signification aux mots. Nous ne pouvons donc prétendre être compris sans accepter une négociation du sens de notre propos, sans accepter d'écouter ce que l'autre nous dit de sa propre écoute et de ses buts de communication. Pour se faire comprendre, il faut accepter de ne plus réduire la communication à la simple émission de messages, il faut être prêt à écouter. Écouter non pas pour donner des réponses, celles-ci ont tout le temps d'être formulées, mais écouter pour vérifier que l'autre nous a pleinement compris. Il s'agit alors d'écouter l'écoute, celle de son interlocuteur et la sienne propre.

Les freins à une véritable écoute

Les freins à l'écoute sont nombreux et nous avons tous eu l'occasion de les développer tout au long de notre existence. Ils sont d'ordre physiologique, socio-culturel et personnel. Il est parfois difficile d'entendre et donc d'écouter un orateur dont la voix est désagréable ou peu audible. Rejetant l'inconfort des conditions de l'écoute, nous nous épargnons d'écouter. Les jargons ou l'utilisation abusive de sigles et d'abréviations, de termes non définis peuvent décourager le béotien de faire les efforts nécessaires à l'écoute. Une aversion personnelle pour tel sujet, ou tel individu devient le prétexte tout trouvé pour ne pas écouter.

André de Peretti (1999) affirme que " je ne peux écouter quelqu'un que si, en même temps, je lui témoigne que je l'écoute et que, par conséquent, j'entre en dialogue avec lui, même si mon dialogue est un dialogue réservé ". Les freins à l'écoute se situent donc dans notre capacité plus ou moins limitée à entrer en dialogue avec l'autre. Or comme l'a remarqué Carl Rogers, l'obstacle majeur à la communication réside dans la tendance naturelle que nous avons à juger, à évaluer, à donner notre avis, à adhérer ou à rejeter. Lorsque nous jugeons ou évaluons un propos, nous sommes avant tout centré sur nous, nous utilisons nos propres grilles d'analyse qui sont le reflets de notre pattern de valeurs. Nous n'écoutons plus, nous ne cherchons plus à comprendre mais à étiqueter et à classer afin de ne pas être perturbés, de ne pas avoir à affronter le conflit cognitif face auquel nous sommes. Ainsi, nous sommes peu préparés à écouter ce qui est inhabituel, ce qui heurte nos représentations.

Un autre frein à l'écoute est l'impression fausse que l'on a déjà compris ce que l'autre veut nous dire avant qu'il est fini de s'exprimer. Ceci est renforcé d'une part, par notre facilité à trancher, à choisir une option, à interpréter dès lors que le propos est peu clair ou insuffisamment spécifié et d'autre part, par notre aptitude à ne pas retenir ce qui nous gène et à accepter sans plus de question, ce qui semble aller de soi.

Selon Floyd (1988), les freins à l'écoute correspondent aux mauvaises habitudes d'auditeur que nous avons développées tout au long de notre vie et notamment durant notre scolarité. Il en dénombre dix principales : i) couper le contact quand le sujet est aride ; ii) couper le contact quand le sujet est mal présenté ; iii) tendance à argumenter ; iv) rechercher des faits ; v) prise de notes abondante mais se limitant à une seule méthode ; vi) ne manifester aucune énergie et ne pas être très attentif ; vii) se laisser facilement distraire ; viii) résister aux sujets ardus et préférer les sujets légers et divertissants ; ix) réagir aux mots ayant un contenu émotif ; x) rêvasser quand le débit du locuteur est lent.

Se mettre en situation d'écoute nécessite de prendre conscience de ses propres freins, d'identifier les raisons qui les créent, d'accepter de relativiser celles-ci et de trouver les solutions personnelles pour réduire ses freins.

 

 

Pratiquer l'écoute active
en formation à distance [2]

Les techniques de l'écoute active

Porter (1950) puis Pagès (1965) et de Peretti (1968) ont identifiés six types de réponses face à la sollicitation d'un interlocuteur : i) apporter une solution (conseil, ordre, menace) ; ii) manifester une aide ou un soutien moral ; iii) questionner de manière inductive ; iv) évaluer ; v) interpréter ; vi) essayer de mieux comprendre.
Selon Artaud (2000), ces six types peuvent être regroupés en trois catégories. Tout d'abord, celle des réponses (i, iii, iv, v) qui exercent une pression sur l'interlocuteur et qui par la même renforce sa dépendance, augmente ses conflits internes, renforce ses défenses, abaisse son angoisse au prix d'une diminution de la conscience de sa responsabilité propre. Puis celle des réponses de soutien (ii) qui peuvent être ressenties comme une non réelle implication, une prise de distance, lorsqu'elles se limitent à prodiguer des encouragements et ne prennent pas réellement en compte la situation de l'interlocuteur. Enfin, celle des réponses qui traduisent une attitude de compréhension (vi), qui manifestent de l'empathie envers l'interlocuteur.

L'empathie
L'empathie relève plus de l'attitude que de la technique. André de Peretti (1998) rappelle que Lipps en 1903 désignait par empathie " une sorte de communication affective par laquelle on s'identifierait avec un autre être, dont on réussirait à éprouver les sentiments ", et que Maucorps la distingue de la sympathie car présentant " un caractère plus désintéressé, plus conjectural et en quelques sorte plus spéculatif ". Pour de Peretti " la compréhension du concept d'empathie oscille entre une proposition d'identification et une réserve ou retenue de réflexion dans l'interaction avec autrui. " Abraham (1984) décrivant l'apport de Rogers pour transposer le concept d'empathie dans l'enseignement indique " que trois attitudes sont d'un poids essentiel : la faculté qu'à l'enseignant de comprendre la signification de l'expérience vécue par l'élève… d'avantage, d'exprimer cette compréhension ; le respect manifesté par l'enseignant pour l'élève pris isolément ; l'authenticité du maître dans sa relation aux élèves. "

La reformulation
La reformulation consiste à redire en résumant ou en paraphrasant, éventuellement en accentuant, sans vouloir influencer, les propos de notre interlocuteur. La reformulation a pour objectifs de vérifier auprès de notre interlocuteur que nous avons bien compris ses propos, de lui permettre de les entendre et de poursuivre ceux-ci, de trouver par lui-même les réponses qu'il recherche. Ainsi que le précise Artaud (2000, p. 32) il s'agit d'être " … fidèle à ses propos et de les lui redire pour qu'il confirme que nous l'avons correctement compris et participons, à notre mesure, à son expérience. " Dans de nombreuses situations de communication, la répétition des derniers mots de l'interlocuteur est très efficace tant chacun fait plus fréquemment l'expérience d'être critiqué, jugé, interprété, contredit que véritablement écouté. Toutefois, lorsque les propos sont plus complexes, plus ambivalents, la reformulation nécessite de repérer le niveau des propos sur lequel elle va porter. Allons-nous axer notre reformulation sur sa personne, sur son ressenti, sur son problème, sur tel ou tel élément de ce dernier ? Dans bien des cas, il est préférable de reformuler sur l'écouté et son problème plutôt qu'à travers une démarche dissociante et partielle de reformuler sur les éléments du problème.
Dans toute communication, il est nécessaire de distinguer l'énoncé, ce qui est dit, de l'énonciation, la manière dont cela est dit. De la même manière il est important d'écouter ce que dit notre interlocuteur mais également ce qu'il ressent. Un double écueil est alors à éviter. Il ne faut pas confondre, d'une part, ce qu'il ressent avec notre interprétation de ce qu'il ressent et d'autre part, ce qu'il dit et ce qu'il révèle mais ne formule pas. Il est donc indispensable de reformuler pour le faire s'exprimer sur ce qu'il ressent afin d'en avoir une meilleure compréhension et de limiter la reformulation à ce qu'il dit. Cette attitude de respect envers notre interlocuteur est la condition préalable de sa future verbalisation de ce que dans un premier temps il révèle à son insu et dont il n'a pas encore conscience. C'est par sa prise de conscience progressive puis sa prise de distance réflexive face aux dimensions non révélées de son problème, processus accompagnés et non dirigés par notre reformulation, que notre interlocuteur sera en mesure de construire ses propres réponses à ses difficultés.

Les questions ouvertes
Outre la reformulation qui doit être considéré comme la première technique d'écoute active à mettre en œuvre et dont les habiletés ne s'acquièrent que par la mise en pratique, il est parfois utile de questionner notre interlocuteur. Ce questionnement est de nature très différente de celui que nous avons l'habitude d'employer. Son objectif n'est pas de suggérer à travers nos questions des pistes d'interprétation pour notre interlocuteur mais de lui donner l'occasion de poursuivre son expression. Ainsi, les questions fermées, pour lesquelles, nous sommes assurés de connaître la bonne réponse sont à proscrire, tout comme celles qui influenceraient la communication sur un des aspects du problème non encore conscientisé par notre interlocuteur. Les questions que nous pouvons poser doivent nous permettre d'avoir une meilleure compréhension en faisant remonter de l'information et non de poser un diagnostic et partant de prescrire une solution. Pour ce faire, ces questions doivent être ouvertes, c'est à dire induire le moins possible, même si toute question a forcément une dimension inductive. L'utilisation du " pourquoi " est a éviter au profit du " comment " et des formules qui sollicitent l'interlocuteur : " Qu'en pensez-vous ? ", " Racontez cela ? ", " Comment comptez-vous faire ? ", " Pour qui, dans quel but ? ", " Quelle est votre opinion ? ".

L'écoute active, en formation à distance

En formation à distance, les communications entre apprenants et tuteurs sont tributaires des médias par lesquelles elles se réalisent. Dans une certaine mesure, il est possible de considérer que les individus communiquent à distance par l'intermédiaire d'avatars, traduction de leurs caractéristiques personnelles qu'ils souhaitent donner à voir aux autres et qui sont transmissibles par le média utilisé. La communication et la relation prennent, ici, un tour plus virtuel. Face aux filtres imposés par les médias et à la tentation de l'anonymat ou de la présence " déguisée ", il est légitime de se demander, comme Sandra Bellier (2001, p.33), si la relation virtuelle peut tenir lieu de médiation ? Pour sa part, elle affirme que si la médiation à distance est de nature différente qu'en présentiel, celle-ci est tout aussi efficace car il est possible d'affiner les modes d'explication, le contact direct est remplacé par la projection, le contact est plus personnalisé. De ces trois arguments, nous retiendrons le troisième comme cadre possible d'une pratique d'écoute active à distance et constatons que les deux premiers définissent des freins à celle-ci.
Pour sa part, Viviane Glikman (2002, p.252) nous rappelle que " Au-delà de toutes les technologies disponibles, c'est la question du lien social qui est posée, question clé de tout processus d'apprentissage, en particulier à distance. " Or, Meyer (1999) nous informe que 80% et plus des apprenants à distance plébiscitent les regroupements présentiels comme situation de dialogue privilégié et que Battaglia (1999) constate que " les outils de communication engendrent un intérêt très relatif de la part des apprenants… ". Aussi, Glikman, tout en soulignant que la présence physique ne peut être à elle seule la condition de l'établissement du lien social mais qu'il faut y ajouter la création du sentiment d'appartenance à une communauté éducative, appelle à une véritable animation des espaces collectifs de communication à distance. De notre côté, si nous souscrivons à la mise en place de dispositifs basés sur la coopération et la collaboration (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001) et sur l'encadrement par les pairs (Deschênes et al., à paraître), il nous semble que l'écoute active doive tout d'abord servir de technique dans les interventions individualisées de support à l'apprentissage auprès de l'apprenant à distance.
En conséquence, nous limitons notre exploration de l'écoute active à distance à sa dimension de technique de communication créatrice de lien social entre le tuteur et l'apprenant lors de communications médiatisées, lien qui se crée au sein d'une relation qui par de nombreux aspects est assimilable à la notion de médiation. Le tuteur devenant médiateur entre l'apprenant et son objet d'apprentissage a alors pour rôle de donner confiance et de permettre à l'apprenant de trouver la démarche à emprunter (Six, 1995) ceci de manière temporaire et dans le but de le rendre autonome (Cardinet, 1995).

L'écoute active en situation de communication médiatisée à distance

La première distinction à opérer parmi les situations de communication médiatisées à distance est celle du temps synchrone ou asynchrone dans lequel elles se déroulent. L'écoute active est une technique qui de manière classique impose des échanges en temps réel. Est-il possible que cette écoute puisse s'établir en temps différé ? La seconde distinction relève du type de communication autorisé par les différents médias et plus précisément des systèmes de symboles qu'ils permettent de véhiculer. En croisant ces critères, nous aboutissons à l'identification de six catégories pour lesquelles nous évaluerons les possibilités de mettre en œuvre l'écoute active à distance.

Les situations de communication médiatisées à distance

Mode synchrone
Mode asynchrone

Message oral

A
D

Message écrit

B
E

Message audiovisuel

C
F

Par ailleurs, nous retenons que les attitudes et techniques qui caractérisent l'écoute active sont l'empathie, la reformulation et les questions ouvertes. Nous notons que l'empathie se construit et s'exprime de manière privilégiée par la communication non verbale. D'une part en étant attentif aux attitudes et expressions physiques de notre interlocuteur et d'autre part, par la manière de ponctuer notre écoute par tel geste ou telle attitude. Enfin, la communication non verbale est difficilement conscientisée et encore moins maîtrisée.
Notre évaluation portera donc sur chacun des médias des six catégories utilisés en situation de support à l'apprentissage individualisé.

Les situations de communication de la catégorie A
Le média utilisé est le téléphone. Il permet au tuteur et à l'apprenant d'entrer facilement en contact sans avoir à acquérir des habiletés particulières. Le seul type de message autorisé est oral. L'inconvénient majeur de ce type de communication au regard de la mise en œuvre d'une écoute active est l'absence de visualisation de son interlocuteur et la perte définitive de toute communication non verbale. A contrario, l'attention de l'écoutant est favorisée par la focalisation de son écoute sur les seules messages oraux. Si la voix permet une énonciation dont les variations sont nombreuses et subtiles (le sourire peut parfois s'entendre), l'utilisation du combiné téléphonique même dans le cas du téléphone portable n'autorise pas une ponctuation gestuelle de son propos qui de toute manière reste invisible à notre interlocuteur. Toutefois, ce média permet des interactions rapides entre les locuteurs. Ainsi, la reformulation et le questionnement, tout comme en situation présentielle, sont possibles.

Les situations de communication de la catégorie B
Les médias qui permettent ce type de communication sont le chat et ce qu'il est convenu de nommer le " tableau blanc ". Le tableau blanc permet le partage synchrone d'une fenêtre graphique et textuelle à l'intérieur de laquelle tous les utilisateurs peuvent interagir simultanément. Cette fonction autorise le partage de documents et la possibilité d'élaborer des documents en temps réel qui seront visionnés par les apprenants et modifiables par chacun des participants. Le Chat, de l'anglais to chat (bavarder) permet l'échange de messages textuels en temps réel, sur le Web, entre deux ou plusieurs individus connectés. Il s'agit d'une discussion écrite à distance en temps synchrone. Pour l'un et l'autre de ces médias, les messages sont écrits. L'utilisation des fonctions d'édition et de lecture des messages nécessite que les interlocuteurs maîtrisent la navigation sur Internet et soient capable de saisir des messages par l'intermédiaire d'un clavier. Le passage à l'écrit focalise la communication sur le contenu alors que l'énonciation devient quasi inexistante et ne transparaît que par l'utilisation de binettes (smileys) dont le registre reste assez sommaire. Il est à noter également que cette communication écrite en temps réel est une nouvelle pratique d'écriture qui n'a pas d'équivalent et pour laquelle les usages, notamment pédagogiques, restent à découvrir et à approfondir (Rodet, à paraître). Habituellement utilisés pour faciliter les échanges au sein d'un groupe d'apprenants, nous postulons que ces médias sont aussi adaptés à une communication privée entre deux individus, en l'occurrence le tuteur et l'apprenant. Dans cette situation, la communication non verbale ne peut s'établir et l'empathie manque donc de matière à partir de laquelle elle pourrait se construire. La reformulation est possible et éventuellement facilitée par les fonctions de copier-coller. De même, il est possible de poser des questions ouvertes.

Les situations de communication de la catégorie C
La visioconférence est une communication synchrone intégrant le son et l'image, entre deux ordinateurs. Elle propose également des fonctions de partage d'applications, de prise en main à distance, d'échange de fichiers et de tableau blanc. L'utilisation du tableau blanc ayant déjà été évoquée, nous axons notre propos sur les fonctions de base de la visioconférence qui permettent de transmettre des messages audiovisuels en temps réel. C'est le média qui, à ce jour, s'approche le plus des caractéristiques de la rencontre présentielle. Toutefois, la qualité de l'image transmise est encore assez faible. La communication non verbale est possible quoique moins bien perçue qu'en présentiel et formalisée par le cadre imposé par la caméra. Le contact visuel établi rend possible l'émergence de l'empathie. Les échanges oraux permettent, comme en face à face, la reformulation et le questionnement ouvert. Il apparaît donc que cette communication synchrone est la plus adaptée à la mise en œuvre des attitudes et des techniques d'écoute active. A contrario, la télévision qui relève de la communication unidirectionnelle ne permet pas cette mise en œuvre.

Les situations de communication de la catégorie D
Les médias de cette catégorie sont la messagerie téléphonique et les cassettes audio. Les remarques faites pour le téléphone restent valides, mais, en outre, le caractère asynchrone des échanges rend les interactions moins aisées. La reformulation devient en grande partie inopérante. Il ne nous semble donc pas que l'écoute active puisse s'installer lors de ce type de communication. Il faut reconnaître que le plus souvent, il s'agit d'une communication par défaut. C'est parce que notre correspondant n'est pas disponible que nous sommes invités à lui laissé un message sur son répondeur. Dans le cas de la cassette audio, l'interaction est inexistante, nous sommes dans une situation de " munication " et les techniques de l'écoute active ne peuvent être employées.

Les situations de communication de la catégorie E
Les médias qui sont créateurs de ce type de communication sont la télécopie, le courriel et le forum. Ce dernier étant en quelque sorte la version publique et collective du courriel, nous ne le traiterons pas. Le courriel permet de transmettre des messages écrits de manière asynchrone. Contrairement aux messages oraux asynchrones, le courriel est une situation de communication qui ne s'établit pas par défaut mais bien de manière délibérée. Ses avantages sur le chat ou le tableau blanc sont la permanence du message et de par son caractère asynchrone, la longue durée possible des échanges. La fonction " répondre ", de par son côté pratique, est incitatrice d'échanges et facilitatrice des interactions. Si l'émergence de l'empathie est pénalisée par l'inexistence de la communication non verbale, la reformulation et le questionnement ouvert sont tout à fait possibles. De son côté, la télécopie autorise le même type de messages mais est plus onéreux et moins pratique bien qu'utile aux personnes n'ayant pas accès à Internet.

Les situations de communication de la catégorie F
Les cassettes audiovisuelles, les DVD sont des médias qui ne permettent pas l'établissement d'interactions. De plus les conditions de production des messages que ces médias supportent sont longs et coûteux. Il ne sont pas utilisés, à notre connaissance dans la relation tuteur/apprenant et ne permettent pas l'application des techniques de l'écoute active.

Conclusion

Partant de l'interrogation sur les possibilités de transfert des techniques d'écoute active en situation médiatisée à distance, nous avons repéré six situations de communication distinctes. En fonction des caractéristiques de celle-ci nous avançons que c'est dans le cas d'une communication synchrone audiovisuelle que les interlocuteurs peuvent le plus aisément pratiquer l'écoute active. D'une part, parce que la parole est conjointe aux messages visuels et que d'autre part, ces derniers permettent la visualisation de la communication non verbale. La communication par téléphone, notamment parce qu'elle autorise des interactions rapides, semble également propice à la mise en œuvre des techniques de l'écoute active à la limite importante de l'absence de toute communication non verbale. Dans les échanges écrits en temps synchrone, la reformulation et le questionnement sont certes possibles mais des recherches plus approfondies, en particulier sur les usages et les stratégies d'écriture, sont nécessaires pour valider la mise en œuvre d'une véritable écoute active. Il faut, à ce propos, remarquer que le clavardage (bavardage par l'intermédiaire du clavier), satisfait plus immédiatement des besoins de communication de type socio-affectif que des échanges permettant une meilleure compréhension de ce qui s'écrit. La communication écrite en temps asynchrone autorise la reformulation et le questionnement. Le temps différé est un élément important qui permet à chaque interlocuteur de s'interroger et de mieux saisir le propos de l'autre. Il est néanmoins vrai que la communication non verbale n'est pas supportée par les médias utilisés dans ce cas. Enfin, les messages oraux et audiovisuels asynchrones ne permettent pas de pratiquer l'écoute active.

Aussi, nous suggérons que les concepteurs des systèmes d'encadrement et de support à l'apprentissage en formation à distance, pour faire une place à l'écoute active, planifient, dans le meilleur des cas, des séances de visioconférences individuelles et à défaut l'utilisation du courriel qui s'il ne permet pas la visualisation des attitudes des interlocuteurs nous semble la communication écrite la plus adaptée à l'écoute active.

Si comme nous le postulions, l'écoute active est une nécessité pédagogique, il nous semble nécessaire que des recherches soient effectuées d'une part pour identifier les besoins de formation des tuteurs et des apprenants leur permettant de développer des habiletés sur ces techniques, d'autre part, dans une démarche plus ontologique, inviter les tuteurs à faire le point sur leurs pratiques d'écoute et à repérer les situations médiatiques dans lesquelles ils sont le plus à même d'écouter les apprenants qu'ils encadrent.

 

Références

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Le Pouvoir et la légitimité du formateur à distance


Afin de traiter du pouvoir et de la légitimité du formateur à distance, je commencerai par établir une recension des définitions de ces termes. Dans un deuxième temps, j'évoquerai le pouvoir du formateur en général puis m'attacherai au statut spécifique du formateur à distance.


1 Recension de définitions du pouvoir et de la légitimité

Si Alain a raison lorsqu'il annonce que le " pouvoir est inexplicable ", cette petite recension de définitions risque de se révéler bien vaine. Toutefois, accompagné par ce mot de Freud " l'impossible est paradoxalement nécessaire " la tentative sera faite.

 

1.1 Pouvoir
Jean-Paul Demoule (2002), après avoir situé la différenciation sociale aux temps néolithiques qui rompent avec l'égalitarisme des sociétés de chasseurs-cueilleurs, indique qu'il " semble exister une corrélation étroite entre la taille d'une population et son niveau de hiérarchie. " (p. 20) Il précise que si certains voient dans l'évolution des sociétés vers des formes de plus en plus complexes la cause unique de l'émergence du pouvoir, à l'inverse pour d'autres, ce sont les jeux de pouvoir et les conflits d'intérêts qui seraient les moteurs de l'évolution des sociétés.

Il est vrai que le passage " De la horde à l'État " (Enriquez, 1983) semble difficilement ne pouvoir résulter que d'une évolution naturelle de la société ou de la volonté des hommes. La première option est invalidée par les retours en arrière brutaux qu'ont subit dans l'histoire certains processus démocratiques. La deuxième semble insuffisante puisque La Boétie (vers 1550) traitant " De la servitude volontaire " remarquait déjà que les hommes tout en se voulant libres se livrent volontiers aux puissants. Il est vrai que la volonté se décline plus aisément en principes velléitaires qu'en courage pour ne pas se soumettre, pour désobéir, puis pour s'appuyer sur la parole libre comme moyen de fraternisation.

Dans la première moitié du XXe siècle, Gandhi (1950), propose une méthode d'action non violente, la désobéissance civile, qui se veut à la fois une résistance et une dénonciation du pouvoir illégitime ainsi qu'une pratique plus respectueuse des individus. Fondée sur la non collaboration de l'oppressé à son oppression, le but de l'action non violente est de mettre l'oppresseur face aux résultats de son oppression. Cette démarche humaniste et stratégique pose comme postulat que tout oppresseur l'est d'autant plus qu'il est éloigné des conséquences de l'oppression qu'il exerce et que mis face à elles, il s'en trouve déstabilisé. Si l'action de Gandhi est empreinte de prosélytisme, elle est d'abord fondée sur une gestion des rapports de forces en présence. En ce sens, la non violence est bien une stratégie de pouvoir.

A la fin des années 60, héritière de Fourier et de Proudhon, l'autogestion, à laquelle de nombreux auteurs s'intéressent, est censée proposer une autre approche du pouvoir. Dans la mesure où " ses postulats sont la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés et l'affirmation de l'aptitude des hommes à s'organiser collectivement " (Gjidara, 1989) l'autogestion peut être envisagée comme une négation du pouvoir. À la lumière des exemples historiques, de la Yougoslavie à l'entreprise LIP, il semble que l'autogestion subisse dans la pratique de graves dérives qui trahissent son projet et qui par contre coup renforce la vision traditionnelle du pouvoir qu'elle souhaitait abolir.

Selon Ruano-Borbalan (2002), la définition du pouvoir qui fait référence aujourd'hui est celle de Robert Dahl (1971) qui " dit en substance qu'un individu (seul ou représentant d'une organisation, d'un État,…) exerce un pouvoir sur un autre individu, dans la mesure où il obtient de ce dernier des comportements, des actions, voire des conceptions, que celui-ci n'aurait pas eus sans cette intervention. " (Ruano-Borbalan, 2002, p. 3).

Ruano-Borbalan (2002, p. 10) indique que selon Mauk Mudler le pouvoir peut être classer en sept catégories : " le pouvoir de récompense ; le pouvoir de punition ; le pouvoir formel (acceptation de la hiérarchie) ; le pouvoir légitime (situation où le pouvoir formel est reconnu comme justifié) ; le pouvoir de référence (un individu peut décider d'agir par imitation envers un ou des individus qu'il estime être proche) ; le pouvoir d'expert ; le pouvoir de persuasion (chacun étant prêt à se laisser persuader, il s'agit d'une situation d'égalité de pouvoir). "

Pour Crozier et Friedberg (1977, p. 66), les individus au sein d'une organisation possèdent une part de pouvoir liée à leur position dans celle-ci qui leur confère la maîtrise de " 'zones d'incertitudes', c'est à dire à des expertises ou à des fonctions (nœuds de communication par exemple) qu'eux seuls possèdent, comme individus ou catégorie professionnelle. " Ainsi, " plus la zone d'incertitude contrôlée par un individu ou un groupe sera cruciale pour la réussite de l'organisation, plus celui-ci disposera de pouvoir. "

De son côté, Rogers (1977, p. 233-234) dénonce les formes autoritaires de pouvoir et souhaite promouvoir, inspiré par son expérience clinique, le partage du pouvoir. Concernant l'éducation, il affirme : que les enseignants ne doivent pas avoir seul le pouvoir puisque " Il a été établi que là où les enseignants partagent leur pouvoir et font confiance à leurs étudiants, un apprentissage autonome se produit bien plus souvent que dans les classes où l'enseignant détient seul le pouvoir. ", puisque " Il a été prouvé que l'enseignant qui comprend de façon empathique la signification que revêt l'école pour l'élève, qui respecte l'élève en tant que personne, qui a des relations authentiques, crée un climat propice à l'acquisition des connaissances et nettement supérieur dans ses effets, au climat créé par l'enseignant de 'bon sens'. ", puisque " Les acquisitions importantes sont plus étendues lorsque les étudiants choisissent à partir d'une grande diversité d'options et de matériaux (ressources), ce qu'ils ont besoin de savoir et veulent savoir. ".

Lallement (1994) rappelle que pour Michel Foucault, " le pouvoir n'est pas en premier lieu l'attribut de l'État. Il est présent dans toutes les institutions telles que la prison, l'école, l'usine, la famille ou les disciplines scientifiques. Deux idées caractérisent sa conception : 1/ le pouvoir est d'autant plus effectif qu'il est caché ; 2/ le pouvoir n'est pas seulement répressif, négatif : il produit le réel. "

A partir des années 80, le pouvoir discrétionnaire qui selon la définition de Michoud intervient " toutes les fois qu'une autorité agit librement, sans que la conduite à tenir lui soir dictée à l'avance par une règle de droit " (cité à l'article pouvoir discrétionnaire de l'Encycloaedia Universalis, Index, p. 2798) cède de plus en plus " au profit de la négociation et de nouvelles formes d'autorité et de pouvoir, faisant appel à la coopération " (Ruano-Borbalan, 2002, p. 12) et dans les années 90, à la publicité de l'autonomie qui rend encore moins visible le pouvoir hiérarchique tout en faisant peser de nouvelles contraintes sur l'individu promu autonome.

De manière récente, la Démocratie participative, théorisée par certains mouvements politiques altermondialistes et s'inspirant de l'expérience municipale de Porto Alegre, semble réactualiser des pratiques politiques de partage et de contrôle du pouvoir.

 

1.2 Influence et légitimitation

Chazel (1989) indique que Parsons distingue l'influence et le pouvoir. Pour ce dernier, l'influence agit sur l'intention de l'influencé et fait appel à des raisons positives de se conformer à l'influenceur tandis que le pouvoir agit par la contrainte et la menace de sanctions.

Chazel (1989) rapporte que selon Herbert Kelman, l'influence est décomposable en trois processus. Le premier qui par l'exercice d'un pouvoir coercitif vise la soumission, le deuxième où l'admiration amène à rechercher l'identification, le troisième caractérisé par l'intériorisation est basé sur la conformité de la demande au système de valeurs de celui à qui elle est faite.

Joule et Beauvois (1998) précisent le processus de légitimation. Selon eux, celui-ci consiste à formuler dans un premier temps une demande acceptable par celui à qui elle est faite. Puis dans un second temps, de lui formuler une demande plus exigeante à laquelle il n'aurait pas répondu favorablement si elle lui avait été faite en premier. La stratégie de la légitimation est ici d'impliquer l'individu dans un processus. En effet, il est plus difficile pour l'individu de remettre en cause le processus dont il est un des acteurs. Afin de ne pas s'en exclure, il est prêt à faire des concessions qu'il cherchera d'ailleurs à justifier, c'est à dire à s'approprier et donc à légitimer, concessions auxquelles il n'aurait pas consenti autrement. En ce sens, la légitimation peut être perçue comme une manipulation dont le but est de permettre à l'individu de " Se soumettre en toute liberté ".

Au contraire, pour Serge Moscovici (1994), " L'influence n'est pas la manipulation ". Selon lui " …la manipulation n'existe pas, car ce terme présuppose l'existence d'êtres totalement soumis d'une part, et celle d'individus totalement autonomes d'autre part. ". Il dénonce là " …un double mythe, un double fantasme qui ne correspond aucunement à la réalité. " L'important pour l'individu n'est pas d'être libre de toute influence mais d'avoir la liberté de poser des actes.

 

1.3 Définition constructiviste du pouvoir

Etienne Bourgeois et Jean Nizet (1995) distinguent utilement deux exercices du pouvoir : " Pression et légitimation ". Selon ces auteurs, les stratégies de pouvoir peuvent être réparties en deux grandes catégories. Celles qui relèvent de la pression et celles de ce qu'ils nomment la légitimation.

Ils parlent " …de pression lorsqu'un acteur A utilise une menace pour faire faire des choses à un autre acteur B, contre la volonté de ce dernier. " (p. 11). Ils évoquent différents types de menaces tel que la non mise à disposition d'un savoir-faire que A détient et dont B a besoin, la rétention d'informations, le chantage, etc. La pression fonctionne sur la dépendance de B à l'égard de A et sur l'agitation d'une menace de A à l'encontre de B.

Les stratégies de légitimation visent à " …faire en sorte que B acquiesce, ou même adhère aux demandes, aux exigences de A. " (p. 12). Dans ce cas, A mobilise son énergie non pas pour contraindre B mais pour faire paraître ses demandes comme légitimes aux yeux de B. Bourgeois et Nizet indiquent que les stratégies de légitimation à la disposition de A vont de la sélection des informations, à la manipulation de celles-ci ou encore dans le fait de se prévaloir de compétences. La légitimation fonctionne sur la mise en concordance, du moins apparente, des besoins de A avec la volonté de B d'y répondre.

Ce qui rend l'apport de Bourgeois et Nizet original et décisif, c'est qu'ils fondent leur analyse du pouvoir non seulement sur cette distinction entre pression et légitimation mais qu'ils mettent " …l'accent sur la manière dont les acteurs perçoivent, se représentent, ou encore 'construisent' la réalité. " (p. 13). Ainsi, ils avancent que la manière d'exercer son pouvoir dépend dont A se représente le lien relationnel qu'il entretient avec B. A pouvant à l'occasion choisir d'autres stratégies que celles de l'exercice de son pouvoir telles que le loyalisme (être en accord) ou la non-implication (ne pas prendre position). De même, les postures de B face à A dépendent des représentations qu'il en a.

Ainsi leur " définition du pouvoir est relationnelle, puisqu'elle a trait à la capacité d'un acteur de faire faire des choses à un autre acteur ;… les deux stratégies de base impliquent également des comportements, des représentations, chez deux acteurs, A et B, engagés dans une relation… "

 

2 Pouvoir et légitimité du formateur

A la lumière des différents éclairages théoriques, il est nécessaire maintenant de préciser la nature du pouvoir et la légitimité du formateur.

Le formateur est investi d'une tâche complexe. Il lui faut, selon les orientations pédagogiques et les objectifs de la formation, transmettre, faire acquérir ou encore permettre à l'apprenant de construire des connaissances. Or, le formateur n'est pas un précepteur qui n'a en charge que l'éducation d'un individu. Au contraire, le formateur est face à un groupe d'apprenants. Il lui faut donc prendre en charge, susciter, animer ce qu'il est convenu de nommer la dynamique de groupe. Visant le développement de l'individu sur le plan cognitif, il ne peut atteindre cet objectif qu'à travers la gestion du groupe. Le groupe n'étant pas spontané mais d'abord créé sur le papier, le formateur doit faciliter son existence dont les phases remarquables sont l'illusion groupale durant laquelle chaque individu du groupe s'imaginant ou voulant croire en une communauté parfaite abuse volontiers du " on " pour mettre en avant ses attentes et ses besoins personnels, la phase de conflits où apparaissent les sous-groupes et où l'individu prenant conscience des différences entre ses objectifs, ses stratégies et ceux des autres participants utilisera de préférence le " je " pour les influencer ou s'en démarquer, la phase de maturité durant laquelle l'individu tentant de faire la part des choses, ayant accepté les différences et les découvrant potentiellement riches est prêt à passer des compromis avec ses collègues pour accomplir des tâches d'apprentissage au cours desquelles il se reconnaîtra dans le " nous " comme un individu participant au groupe.

Le formateur, qu'il soit sur une estrade ou à distance est face au groupe. Cette position lui interdit d'être membre du groupe mais lui confère une influence et un pouvoir certain sur l'évolution du groupe. Le type d'exercice et le style de pouvoir qu'il adopte tout en jouant sur la dynamique du groupe sont révélateurs de ses options pédagogiques et de son propre rapport au pouvoir, à la légitimité, à la présence qu'il manifestera et à la distance qu'il initiera.

 

2.1 Le pouvoir comme affirmation de présence du formateur ?

Avant même d'être en face des apprenants, le formateur, de par son statut, d'expert détient un pouvoir sur eux et bénéficie d'une légitimité de fait qui lui est conférée par l'institution pédagogique. Or, dès les premières minutes du face à face, chacun de ses gestes, de ses paroles sont interprétés par les apprenants et sont significatifs de sa présence au groupe.

Si j'en juge d'après mes expériences de formateur, le groupe est spontanément respectueux du pouvoir du formateur mais exige de celui-ci une présence réelle de tous les instants. La présence se manifeste par les sens et en premier lieu par la parole. Le respect par le formateur de certains rites, et plus, la manière dont ceux-ci sont pratiqués tels le tour de table de présentation, l'énoncé des objectifs du cours, la contractualisation de ces derniers avec les apprenants sont significatifs de la présence au groupe du formateur.

L'affirmation de son pouvoir par le rappel des règles et celui de sa position de garant du cadre de la formation est fréquemment choisie par les formateurs comme une des premières manifestations de leur présence. De même, dans les situations de conflits ou de crise, malheureusement parfois en prévision de ces moments nécessaires à la vie du groupe , le pouvoir du formateur est tributaire de son autorité et de sa légitimité.

Ainsi exercer son pouvoir de formateur apparaît être un élément important de manifestation de sa présence. Il n'en reste pas moins que cet exercice peut s'avérer très différent d'une personne à l'autre. Celui-ci dépend du regard que le formateur porte sur son pouvoir, des situations vécues et des apprenants. De la manifestation prépondérante au refus de son pouvoir, en passant par sa mise à distance qui permet de l'analyser, le rapport que le formateur entretient avec son pouvoir sur les apprenants détermine sa manière d'être face au groupe et révèle la qualité de sa présence.

 

2.2 Manifester son pouvoir de formateur

Le formateur manifeste son pouvoir par les stratégies qu'il emploie pour l'exercer. La contrainte et la menace, la légitimation, la négociation et la coopération sont les principales qu'il est possible de retenir.

La contrainte et la menace conviennent mal à la pratique pédagogique dans laquelle la relation entre le formateur et le groupe n'est qu'un moyen pour permettre à l'individu de progresser dans son parcours d'apprentissage. Toutefois, il serait faux d'imaginer que ces stratégies ne sont pas utilisées en formation. Nombreux apprenants de la formation professionnelle continue sont contraints par leurs employeurs à suivre des formations qu'ils n'ont pas choisies mais qui répondent à des besoins et à l'atteinte d'objectifs de leur entreprise et s'exposent à des sanctions en cas de refus. Par ailleurs, les demandeurs d'emplois sont fortement incités à entreprendre des formations de qualification qui ne correspondent pas toujours à leurs souhaits professionnels sous peine de voir remis en question leur statut. Le fait que les donneurs d'ordre soient responsables du choix de ces stratégies ne doit pas faire illusion sur la capacité des formateurs, qui acceptent d'intervenir dans de telles conditions, à adopter d'autres stratégies envers les apprenants. Ils sont soumis au respect de procédures administratives qui ne sont pas sans effet sur leurs marges de manœuvre et qui à tout le moins les amènent à se positionner par rapport à ce pouvoir institutionnel. Les formateurs qui emploient la contrainte et la menace justifient généralement leur pratique par la recherche de l'efficacité, les contraintes institutionnelles, le respect du règlement. Il semblent être le jouet de facteurs extérieurs et s'être rarement questionnés sur leur exercice du pouvoir sinon même sur leur métier. Ils sont enclins à privilégier leur maîtrise sur le groupe au détriment des objectifs cognitifs de chaque apprenant.

La légitimation, pour un formateur, consiste à emporter l'adhésion des apprenants à sa méthode pédagogique. Tout formateur se fixe consciemment ou non comme objectif de voir sa pratique plébisciter par les apprenants. Il arrive parfois que cet objectif supplante même les objectifs cognitifs. C'est généralement le cas des formateur-militants qui convaincus de la justesse de leurs moyens pédagogiques demandent aux apprenants d'y souscrire indépendamment de leur désir ou de leur capacité. La légitimation est une stratégie de persuasion parfois de conversion. Elle est utilisée par des formateurs de styles très différents. Le formateur dirigiste ou autoritaire ne manque pas de faire savoir aux apprenants que sa méthode est la bonne et qu'il l'emploie pour leur bien. Le formateur charismatique sans se préoccuper outre mesure de stratégie use abondamment de la légitimitation même si son objectif est plus de susciter l'admiration que l'adhésion. Le formateur qui base son action sur la contractualisation avec les apprenants vise également l'assentiment de ceux-ci. La légitimation tout en étant un exercice du pouvoir moins brutal que la pression et la menace se fixe un objectif identique : faire en sorte que les apprenants se soumettent, même en toute liberté, au pouvoir du formateur.

La négociation et la coopération se veulent des stratégies de pouvoir différentes. Le formateur qui les utilisent est conscient de l'inanité pédagogique de la contrainte et est méfiant envers la légitimation. Il peut être tenté par l'autogestion. Il essaye de descendre de l'estrade. Si ces stratégies de pouvoir semblent les plus respectueuses des apprenants, elles se heurtent souvent aux réticences des apprenants eux-mêmes qui peuvent refuser de se voir investis de tâches qu'ils considèrent ne pas avoir à assumer et des donneurs d'ordre qui craignent que les objectifs définis ne soient pas ceux qui seront atteints. Le formateur qui pratique la négociation et la coopération avec les apprenants tente d'inventer une nouvelle pratique du pouvoir basée sur l'établissement de relations plus vivantes que symboliques susceptibles par et à travers le groupe de permettre à chaque individu d'atteindre les objectifs qui sont les siens.

 

2.3 Refuser son pouvoir de formateur

Refuser son pouvoir pour un formateur comme pour toute autre personne est une manière de le méconnaître, d'oublier que toutes les relations entre les hommes sont empreintes des influences qu'ils exercent les uns sur les autres. Il est certain que le terme lui-même dont il faut bien convenir qu'il est quasi absent du Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation semble sinon effrayer, embarrasser les pédagogues. Je ne peux, ici, que me référer à nouveau à Michel Foucault, qui indique que le pouvoir est d'autant plus effectif qu'il est caché et que n'étant pas la seule manifestation de la répression, il produit le réel. Il me semble dommageable que certains s'imaginent ne pas avoir en tant que formateurs de pouvoir sur les apprenants. Ainsi, ils s'interdisent la compréhension de la relation qu'ils entretiennent avec leurs étudiants.

Le pouvoir n'est pas tant à refuser qu'à être interrogé. Il est vrai qu'alors, les découvertes peuvent se révéler inconfortables tant les ambivalences, les contradictions entre la représentation de son exercice du pouvoir et la réalité de celui-ci peuvent être patentes. Il est donc nécessaire, de pratiquer la distanciation vis à vis de son pouvoir de formateur afin de mieux le comprendre et l'assumer.

 

2.4 Prise de distance avec son pouvoir de formateur

Prendre de la distance avec son pouvoir de formateur c'est évidemment essayer d'en définir l'origine multiple, d'en identifier les caractéristiques, de le penser et de se donner les moyens d'agir sur lui et par lui.

Le pouvoir du formateur s'apparente à celui de l'expert dans la mesure où il est fondé sur le savoir possédé qui sous une forme ou une autre sera acquis par les apprenants. Le pouvoir du formateur est renforcé par l'autorité et la légitimité que lui confère l'institution pédagogique à laquelle il est attaché. Il est donc personnel mais aussi institutionnel. Le pouvoir des formateurs est large et je reste étonné par la grande indépendance dont ils peuvent jouir dans leurs activités. N'y aurait-il pas là quelques éléments explicatifs au fait que les formateurs ne sont pas toujours à l'aise avec le pouvoir ? Penser son pouvoir de formateur implique de le situer sur le plan théorique. Agir sur et par son pouvoir c'est s'engager dans un processus de prise de conscience, de changement, d'ajustement, de sa pratique par la pratique.

Si le pouvoir sert au formateur à manifester sa présence, cette dernière est aussi constitutive de son pouvoir. Bien plus que d'étiqueter l'exercice de celui-ci, il est important pour un formateur de se situer dans le rapport dynamique entre la manifestation, le refus et la prise de distance qu'il entretient avec son pouvoir. De même, les stratégies employées (contrainte et menace, légitimation, négociation et coopération) ne sont pas tant exclusives que devant être contextualisées et questionnées.

 

3 Le pouvoir et la légitimité du formateur à distance

Si le formateur à distance est bien face au groupe d'apprenants, il faut convenir que sa présence, de par la modalité spatio-temporelle propre à la formation à distance, est autre et qu'ainsi son pouvoir l'est également. Il faut ici établir la distinction des tâches qui incombent au formateur à distance. Toute action pédagogique comprend des tâches d'enseignement et d'aide à l'apprentissage. Le processus de production d'une action de formation à distance établit une séparation formelle entre les unes et les autres. Le matériel pédagogique, support de l'enseignement, est préparé et fabriqué en amont de la dispense de la formation et donc en l'absence des apprenants. Le formateur n'est pas obligatoirement membre de l'équipe de concepteurs du cours. Celle-ci accomplit son travail pour des apprenants potentiels, inconnus, même si elle est amenée à prendre en compte leurs données sociologiques. L'absence de relation réelle entre les concepteurs et les futurs apprenants confèrent aux intentions des premiers le pouvoir du message initial et unidirectionnel. Le formateur à distance que certains appellent tuteur est en charge d'accompagner les apprenants dans leurs apprentissages. Le terme d'accompagnement n'est ici pas neutre et renvoie à certaines théories où il est considéré que l'apprenant doit être au centre de l'acte pédagogique. Par ce préalable et cette posture privilégiée, la nature du pouvoir et la légitimité du formateur sont dimensionnées différemment qu'en situation présentielle. Le formateur n'est plus celui qui transmet la connaissance, il n'en est plus le dépositaire mais joue le rôle de facilitateur qui permet à chaque apprenant de construire son apprentissage.

Quelque soit la formation à distance, quelque soient les médias utilisés pour supporter la distribution du contenu et l'encadrement des apprenants, il est aisé de constater que la distance ne supprime pas la présence mais la transforme. Toutefois, la capacité du formateur à distance à maîtriser les médias utilisés est déterminante pour la qualité de sa présence. Ainsi, il n'est en mesure d'exercer son pouvoir qu'à la condition de posséder une certaine aisance et des habiletés vérifiées dans l'utilisation des médias. Il est intéressant de noter que les médias ne sont pas neutres et qu'ils n'ont pas été forcément pensés pour la réalisation des tâches du formateur. Bien au contraire, les médias sont la plupart du temps dimensionnés en fonction des opportunités et des facilités que les technologies sur lesquelles ils sont basées permettent. Les dérives technicistes pour ne pas parler de la gadgetisation que connaît la formation à distance sont plus le fait des informaticiens que des pédagogues. L'informatique permettant de reconstituer facilement le parcours d'un apprenant dans l'utilisation des ressources informatiques mises à sa disposition, le formateur peut être tenté, ou il peut lui être demandé par l'institution, de pratiquer un réel flicage, impossible en présentiel, qui bien plus que d'enrichir la pratique pédagogique l'incite à exercer un pouvoir de contrôle pouvant se transformer en une pratique directive sinon autoritaire de son pouvoir.

La présence du formateur à distance se manifeste par la production de messages, écrits ou oraux, qui ne lui permettent pas d'utiliser l'ensemble de ses sens. En effet, même les technologies les plus performantes de visioconférence ne pallient pas à l'absence du toucher et de l'odorat. La distance tronque certains éléments constitutifs de la présence. Ce sont ces manques qui rendent méfiants certains envers la formation à distance, qui stimulent les éditeurs de solutions technologiques à proposer des produits toujours plus riches, qui transforment la relation entre le formateur et l'apprenant. Deux attitudes face à cette situation lacunaire de la présence s'offrent au formateur à distance. Il peut vouloir, par l'utilisation optimum des médias et une multiplication de ses messages, compenser la distance existante entre lui et l'apprenant. Sans être forcément inopérante, une telle manière de faire risque d'oblitérer les opportunités que procure la distance. Le formateur peut aussi, prendre en compte ces manques et à partir d'eux modifier sa pratique, sa présence, son pouvoir. Il est utile, ici, de souligner que l'objectif d'autonomie de l'apprenant sans être atteint systématiquement en formation à distance est stipulé beaucoup plus clairement qu'il ne l'est en présentiel. Or, si le formateur à distance souscrit, ne serait ce que partiellement, au but de faire progresser l'apprenant dans son processus d'autonomie, il est amené à s'interdire ou à relativiser fortement certains exercices de son pouvoir. Des stratégies évoquées plus haut, la contrainte et la menace, sans être forcément absentes semblent plus difficiles à mettre en œuvre face à la liberté de l'apprenant à entreprendre ou non son apprentissage et face à l'indépendance dont il jouit dans l'organisation de son parcours de formation. La légitimation est certes une stratégie de pouvoir largement employée en formation à distance pour conforter l'apprenant dans le choix de cette modalité de formation mais elle est plus le fait de l'institution et de l'équipe de conception du cours que du formateur lui-même. La négociation et la coopération sont plus spécifiquement exploitées par le formateur à distance qui est généralement très attentif aux difficultés, propres à la distance, de l'apprenant. Elles lui permettent également d'initier le processus d'autonomie dans lequel l'apprenant à distance doit s'engager sous peine de ne pouvoir persister dans son apprentissage.

Ainsi, la distance, par sa réalité et ses caractéristiques, amène le formateur à faire circuler ce que Geneviève Jacquinot appellent d'autres signes de présence, qui moins transmissifs ou directifs que suggestifs ou négociés orientent le choix des stratégies de pouvoir utilisables à l'égard des apprenants.

Dès lors, il est possible de s'interroger sur la légitimité du pouvoir du formateur ainsi manifesté. Si la légitimité de départ conférée par l'institution au formateur est comparable à celle du formateur en présentiel, les autres facteurs qui la créent et la maintiennent se présentent différemment. Dans la mesure où le formateur à distance n'est pas forcément le concepteur du contenu, son pouvoir d'expert est moins établi. N'ayant principalement en charge que des tâches de support à l'apprentissage, et ne bénéficiant le plus souvent que d'un statut précaire, sa légitimité de référent cognitif semble moins établie. Pourtant, le formateur à distance, de par sa position d'interlocuteur privilégié et d'intermédiaire entre l'institution et l'apprenant est investi par ce dernier d'une légitimité socio-affective que beaucoup de formateurs présentiels, sceptiques sur la possibilité de la formation à distance a maintenir la proximité dont ils pensent jouir avec leurs apprenants, pourraient envier.

 

Les références bibliographiques sont accessibles à la rubrique Bibliographies

 

 

Naissance de t@d,
la communauté de pratiques des tuteurs à distance

Ça y est, c'est la rentrée ! Mélange de nostalgie de l'été disparu et de gaieté des retrouvailles. Temps de souvenirs mais aussi de résolutions. Je crois bien n'avoir jamais abordé le mois de septembre sans avoir à composer avec cette langueur le disputant de plus en plus faiblement à l'impatience de la mise en action.

C'est donc avec enthousiasme que je vous informe de la naissance de t@d, la communauté de pratiques des tuteurs à distance. Une communauté, y compris de pratiques, c'est tout d'abord un groupe.

Qu'est-ce qu'un groupe ?
L'étymologie nous indique que ce terme vient de l'italien groppo dont les premiers sens sont nœud puis assemblage. Ce terme dériverait lui-même du germanique kruppa qui désignait une masse arrondie. Le petit Larousse donne les définitions suivantes : 1. ensemble distinct de choses ou d'êtres de même nature réunis dans un même endroit. 2. ensemble plus ou moins organisé de personnes liées par des activités, des objectifs communs. 3. formation de musiciens. 4. Militaire, formation élémentaire du peloton et de la section (environ 12 hommes). 5. Ensemble de choses, d'animaux ou de personnes défini par une caractéristique commune. 6. Beaux Arts, réunion de figures formant un ensemble, surtout dans la sculpture en ronde bosse. 7. Algèbre, ensemble G muni d'une opération interne dans G, associative, qui admet un élément neutre et telle que tout élément a un symétrique et un seul.

De ces définitions, il ressort qu'un groupe se défini à la fois de manière interne (partage d'un certain nombre de traits communs aux éléments du groupe) mais aussi externe (ceux qui ne sont pas des éléments du groupe). De manière rapide, il serait possible de dire que l'on est membre ou pas du groupe, que l'on est à l'intérieur ou à l'extérieur du groupe. En fait, c'est un peu plus complexe que cela. Chacun d'entre nous est membre de nombreux groupes : l'humanité, le continent, le pays, la ville, le quartier, la religion, le sexe, la famille, l'appartenance politique, etc. Cette petite liste montre que l'individu n'est pas réductible à une seule appartenance et que les différents groupes peuvent soit s'imbriquer les uns dans les autres soit être disjoints soit encore avoir des intersections. Un autre élément est que l'appartenance à un groupe est liée à l'investissement de l'individu dans le groupe.

Pour mieux comprendre le groupe, il est nécessaire d'emprunter à la fois aux sociologues mais également aux penseurs de la systémique. Les premiers nous indiquent que les phases remarquables d'un groupe sont l'illusion groupale durant laquelle chaque individu du groupe s'imaginant ou voulant croire en une communauté parfaite abuse volontiers du " on " pour mettre en avant ses attentes et ses besoins personnels, la phase de conflits où apparaissent les sous-groupes et où l'individu prenant conscience des différences entre ses objectifs, ses stratégies et ceux des autres participants utilisera de préférence le " je " pour les influencer ou s'en démarquer, la phase de maturité durant laquelle l'individu tentant de faire la part des choses, ayant accepté les différences et les découvrant potentiellement riches est prêt à passer des compromis avec les autres participants pour accomplir des tâches au cours desquelles il se reconnaîtra dans le " nous " comme un individu participant au groupe. Il est utile de préciser que l'apparition de sous-groupes dans un groupe est créatrice d'interactions et de rétroactions qui peuvent faire progresser et/ou régresser ce dernier. Les seconds nous indiquent que la somme des parties (les individus) est supérieur au tout (le groupe) dans la mesure où ce rassemblement est créateur d'émergences. Ces dernières correspondent aux produits qualitativement nouveaux issus de la collaboration des individus qui n'auraient pu apparaître sans l'établissement de celle-ci. Nous parlerons ici de collectif. Mais ils attirent également notre attention sur le fait que la somme des parties est inférieure au tout car pour que le tout existe chacune des qualités des parties se voient restreintes et inhibées.

Ainsi, l'individu qui s'engage dans un groupe peut s'attendre par la collaboration avec les autres participants à produire ce que ceux-ci n'auraient pu créer sans lui mais en même temps, les termes de la collaboration l'obligent à réprimer ses caractéristiques qui ne peuvent être prises en compte par le groupe.

Qu'est-ce qu'une communauté de pratiques ?
Selon Nicolas Michinov (2003), les communautés de pratiques " se distinguent des organisations et des situations d'apprentissage traditionnelles sur plusieurs aspects : (1) différents niveaux de compétence sont simultanément présents, (2) on observe un mouvement de la périphérie vers le centre qui traduit la progression d'un statut de novice à un statut d'expert, (3) les tâches et les communications reposent sur des problèmes authentiques. "

Ce même auteur précise que ces communautés nécessitent la participation active des membres qui les constituent et que le mode de prise de décision est délibérément collectif. Un individu qui s'investit dans une communauté le fait pour partager un intérêt commun avec d'autres et pour accroître ses compétences et ses connaissances sur les sujets autour desquels la communauté s'est constituée.

De leur côté Paloff et Pratt (1999) considèrent qu'une communauté se construit en plusieurs phases : i) définition des objectifs visés, ii) création d'un espace commun aux participants, iii) définition collective de règles de fonctionnement, établissement des rôles des différents participants dont celui du facilitateur.

Sur le site Internet " Gilles en Vrac… " http://radio.weblogs.com/0101569/outlines/communmautes_et_savoirs.html il est indiqué qu'une communauté se définit " sous trois dimensions : les frontières de leur domaine d'application, leur existence sociale en tant que communauté et les outils, le langage, les histoires et documents que les membres de cette communauté partagent et s'échangent ".

Par ailleurs, une communauté de pratiques semble ne fonctionner que dans la mesure où elle est animée et non dirigée. Cela nécessite de la part du facilitateur un certain nombre de compétences qui sont proches et pour certaines identiques à celles des tuteurs à distance. Il s'agit non pas d'ordonner en un plan immuable les ressources de la communauté, encore moins de dispenser des connaissances mais plutôt d'être attentif et de permettre aux relations et aux interactions s'établissant entre les participants de constituer des gains pour la communauté.

Pourquoi une communauté de pratiques de tuteurs à distance ?
Ayant eu l'occasion, il y a quelques années, de participer à la mise en place d'un système d'encadrement par les pairs à la Téluq, j'ai, à cette occasion, mesuré à quel point la constitution du groupe, la confrontation des points de vue, la mutualisation des expériences entre les participants étaient primordiales pour l'acquisition et le développement des compétences et des connaissances sur les fonctions tutorales.

Par ailleurs, il faut bien constater que peu de formation de tuteurs existent en tant que telles et seuls quelques rares écrits abordent la question de la formation de ces nouveaux profils. Déclaré indispensable par tous les acteurs de la formation à distance, il faut convenir que le tutorat et a fortiori les tuteurs restent trop souvent les parents pauvres des dispositifs mis en place. Le métier de tuteur est peu reconnu et les tuteurs qui par définition travaillent à distance ont peu l'occasion d'échanger ensemble.

C'est pourquoi, il m'a semblé utile de créer un espace spécialement dédié aux tuteurs et au tutorat.
t@d, la communauté de pratiques des tuteurs à distance se fixe comme premiers objectifs de :

  • Mutualiser les expériences de tutorat à distance
  • Débattre sur les thèmes liés au tutorat
  • Créer un fond documentaire sur le tutorat
  • Bâtir une formation de tuteurs
  • Agir pour une reconnaissance du métier de tuteur

Les personnes qui souhaitent y participer (tuteurs ou individus voulant le devenir) doivent faire une demande d'inscription en m'envoyant un courriel à jacques.rodet@free.fr. Elles devront dans ce même courriel joindre une courte note biographique ainsi que quelques lignes décrivant leurs objectifs de participation.

A bientôt,

Jacques Rodet
Facilitateur de t@d, la communauté de pratiques des tuteurs à distance

 

Michinov, Nicolas (2003). Les communautés (virtuelles) de pratique : un bref aperçu. http://www2.univ-poitiers.fr/michinov/compractice.html lien actif le 9 août 2003.

Paloff, R.M. & Pratt, K. (1999). Building learning communities in cyberspace : effective strategies for the on-line classroom. San Francisco, Jossey-Bass.

 

Autonomie et métacognition
des apprenants à distance [1]

Depuis les années 90, l'autonomie est une valeur à la hausse. Pour certains managers qui font la publicité de l'autonomie, il s'agit souvent de rendre moins visible le pouvoir hiérarchique tout en faisant peser de nouvelles contraintes sur l'individu promu autonome. Mais de quoi parle-t-on lorsque l'on évoque l'autonomie ? Peut-on décréter à renfort de mots d'ordre l'individu autonome ? Il est fréquent d'entendre dire que l'apprenant à distance non autonome est voué à l'échec. Dès lors, il est légitime de se demander qu'est-ce qu'un apprenant autonome ? Existe-t-il des moyens de rendre autonome un apprenant ? Certains auteurs relient la capacité d'autonomie à celle de la métacognition définie rapidement comme l'art d'apprendre à apprendre. Ainsi, la métacognition serait une stratégie privilégiée pour exercer son autonomie. A l'inverse, il est possible de se demander s'il ne faut pas déjà être autonome pour mener des activités métacognitives ?

Afin de répondre à quelques unes de ces interrogations, nous tenterons, tout d'abord de cerner au plus près le concept d'autonomie, de son acceptation la plus large à celle plus déterminée dans le secteur des sciences de l'éducation et plus particulièrement en formation à distance. Puis, nous préciserons le concept de métacognition en procédant à une recension de définitions et en présentant quelques types d'interventions métacognitives. Enfin, nous indiquerons, sur quels aspects et à quelles conditions, selon André-Jacques Deschênes, professeur à la Télé-université du Québec, l'apprenant peut exercer son autonomie sur un cours à distance.

 

Définitions générales

Autonomie

1° " Possibilité de décider, pour un organisme, un individu sans en référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité. "

2° " Droit pour l'individu de déterminer librement les règles auxquelles il se soumet. "

3° " Droit de se gouverner par ses propres lois. "

4° " Distance que peut franchir un véhicule à moteur sans nouvel apport de carburant. Temps pendant lequel un appareil peut fonctionner sans nouvel apport de carburant, d'énergie ou sans intervention extérieure. "

De ces quelques définitions de l'autonomie, nous pouvons tirer le constat qu'elle a un certain rapport avec la liberté. En effet, c'est la possibilité, la capacité du particulier de créer, de mettre de la distance entre lui et l'autorité globalisante. Cette distance permet l'exercice de sa liberté dans un domaine ou dans un espace sur lesquels le contrôle de l'autorité de tutelle est affaibli. L'autonomie a donc une connotation politique que nous retrouvons dans plusieurs de ses synonymes : indépendance, liberté, émancipation, franchise, affranchissement etc. L'exemple des mouvements autonomistes et indépendantistes, de par le monde, nous confirment que l'autonomie est une chose à gagner.

Cet exemple nous confirme que l'autonomie n'est pas seulement définie comme une liberté mais également comme un droit, donc à revendiquer et à conquérir ; un droit à se gouverner soi-même, c'est à dire à fixer librement ses propres règles. Dès lors, on comprend que l'autonomie, n'est pas seulement un but à atteindre, mais aussi, un processus où la mise en place progressive de ses moyens participe à sa définition. Nous pouvons dire que gagner son autonomie, c'est l'exercer, mais encore que " la fin est dans les moyens, comme l'arbre est dans la graine ".

Enfin, nous parlons d'autonomie pour qualifier la distance ou le temps durant lesquels un appareil peut fonctionner sans apport extérieur. L'autonomie est ainsi définie comme une capacité, capacité à fonctionner seul, à ne pas avoir besoin d'autrui. En tant que capacité, l'autonomie a forcément des limites (ex. : la durée de vie d'une pile de montre). Or, nous savons, par l'observation des progrès techniques, que ces limites ne sont pas immuables, qu'elles sont dépassées régulièrement et même parfois de manière prévisible (doublement de la puissance de calcul des microprocesseurs tous les dix-huit mois). L'autonomie est ici une capacité que l'on peut développer.

Liberté, droit, capacité sont les trois caractéristiques que nous avons pu dégager des définitions les plus courantes de l'autonomie. Nous devrons donc examiner comment ces éléments interviennent dans la définition du concept d'autonomie en sciences de l'éducation et en formation à distance. Nous devrons également nous souvenir que l'autonomie est caractérisée par le rapport à autrui sur les plans de la distance et de la dépendance.

 

Définitions dans le domaine de l'éducation

Autonomie

1° " Capacité d'une personne à obéir à sa propre loi. "

2° " Dans l'enseignement, elle signifie l'indépendance relative, la liberté partielle de décision accordée à tel établissement (école, lycée, université etc.) au sein d'une institution globale. ", l'Éducation Nationale.

3° " En pédagogie, l'importance accordée…[à l'autonomie] départage les méthodes et les processus d'apprentissage… "

4° " En matière d'éducation, l'autonomie consiste pour l'élève à se donner ses propres fins, ses propres méthodes et apprendre à s'auto-évaluer. "

Dès la première définition, nous retrouvons les idées de capacité et de liberté. En effet, l'individu, après avoir défini librement ses propres règles doit exercer sa capacité à les suivre. La détermination des règles les dote d'une identité propre que l'individu doit alors respecter. De fait, l'attitude de ce dernier à l'égard des règles est l'expression de son autonomie ou plus exactement de sa capacité à être autonome. Nous pouvons également constater que l'autonomie est comprise, au sein d'une collectivité éducative, comme l'exercice d'une liberté relative, fondatrice des droits du " local " par rapport au " global ". Plus précise, la troisième définition nous indique que l'autonomie est un des éléments qui permet de reconnaître les méthodes ou les modèles pédagogiques auxquels se référent une action éducative.

Ainsi, dans les modèles inspirés par une démarche de type académique, l'autonomie de l'apprenant est fortement limitée par le fait que l'initiateur et le superviseur du processus d'apprentissage soit l'enseignant. Dans les modèles pédagogiques cognitivistes, la place centrale est accordée à l'apprenant qui est considéré comme le principal acteur de son processus d'apprentissage. Le respect, par l'enseignant, de l'identité de l'apprenant est à la source de la reconnaissance de son droit à l'autonomie. Puis, de droit reconnu, l'autonomie est devenue, pour certains pédagogues, un moyen éducatif ou même une méthode.

La dernière définition de N. Leselbaum permet de dégager trois aspects caractéristiques de l'autonomie de l'apprenant : a) l'apprenant détermine ses objectifs de formation, b) l'apprenant choisit ses méthodes ou stratégies d'apprentissage, c) l'apprenant met en place des stratégies d'auto-évaluation.

Ainsi, l'apprenant exerce bien sa liberté dans le cadre d'un droit qui lui est reconnu par l'organisation éducative. Il s'inscrit dans un processus puisque les stratégies d'auto-évaluation qu'il met en œuvre lui donne des informations de type métacognitif susceptibles d'entraîner la modification ou l'ajustement de ses méthodes d'apprentissage. Il développe sa capacité à l'autonomie en l'exerçant. Celle-ci est appréciable à travers l'examen des rapports entre l'apprenant et l'institution pédagogique. Dans quelle mesure cette dernière offre la possibilité à l'apprenant de choisir ses buts et ses stratégies d'apprentissage ? Quelles interventions initie-t-elle pour permettre à l'apprenant de s'auto-évaluer ? Ainsi, si la place de l'apprenant est centrale, les types de support d'apprentissage dont il bénéficie conditionnent le développement de son autonomie.

L'autonomie, dans le domaine de l'éducation, ne se construit pas de manière unilatérale ; elle a perdu le caractère revendicatif que nous avons repéré dans sa définition générale ; si elle conserve son statut de droit à l'exercice d'une liberté, elle est davantage le résultat d'une interaction entre l'enseignant et l'apprenant ; si elle est toujours définie comme une capacité celle-ci n'est plus matérielle mais humaine et on parle donc de capacité à l'autonomie, du développement de cette capacité et du processus de ce développement.

Pour sa part Moore (1977, p.22) donne la définition suivante de l'apprenant autonome : " … c'est une personne qui identifie un besoin d'apprentissage lorsqu'elle se trouve face à un problème, une habileté à acquérir ou une information qu'elle ne possède pas. Elle est capable de formuler son besoin d'apprentissage en terme de but et d'objectifs spécifiques et de fixer de façon plus ou moins explicite, des critères de réalisation. Dans la démarche qu'il entreprend, l'apprenant autonome recueille l'information qu'il désire, pratique les habiletés, travaille à résoudre son problème et parvient à atteindre les objectifs visés. En évaluant, il vérifie la validité des nouvelles habiletés, l'adéquacité des solutions trouvées et la qualité des connaissances acquises. Il dégage des conclusions, retient ou rejette certains éléments et juge si les objectifs sont atteints ou les abandonne. "

 

Définition en formation à distance

Afin de définir le concept d'autonomie en formation à distance, nous nous appuierons essentiellement sur les travaux de A.-J. Deschênes (1991). Celui-ci insiste sur le rôle central de l'autonomie de l'apprenant à distance qui doit non seulement acquérir des connaissances, mais également accroître progressivement son autonomie afin de pouvoir gérer sa motivation et son temps ainsi qu'aménager son environnement d'apprentissage.

Un apprenant autonome, est donc, une personne qui prend la main sur son activité d'apprentissage en intervenant dans sa gestion. Il doit mettre en place des stratégies métacognitives impliquant sa connaissance : de soi, des tâches et des stratégies ; mais aussi la maîtrise d'outils de planification, de régulation et d'évaluation.

La connaissance de soi en tant qu'apprenant c'est s'interroger sur son attitude, son intérêt, sa motivation, ses forces et ses faiblesses.

La connaissance des tâches est liée à la nature de l'apprentissage, mémorisation, compréhension, résolution de problèmes. Celle des stratégies permet de répondre au quand, comment et pourquoi les utiliser.

La planification, qui nécessite des capacités de projection dans le temps, de sélection et d'organisation, sert à préparer son apprentissage en analysant les buts à atteindre, les conditions contraignantes de la tâche, les modalités, les stratégies disponibles, les étapes de réalisation, les caractéristiques de l'environnement.

La régulation permet à l'apprenant par la mise en œuvre d'outils d'identification, d'interprétation et de traitement des expériences métacognitives de repérer les problèmes auxquels il est confronté au cours de son apprentissage et de procéder aux ajustements nécessaires.

L'évaluation permet de valider si l'objectif est atteint mais porte également sur les méthodes retenues pour atteindre cet objectif. Elle permet ainsi d'enrichir ses connaissances métacognitives.

En formation à distance, l'éloignement (géographique et temporel) entre l'institution éducative et l'apprenant transforme la perception de l'autonomie : d'un droit, qui n'est plus à obtenir (la distance comme opportunité d'exercice de l'autonomie est préexistante), l'autonomie devient nécessité, à mettre en œuvre. Un apprenant à distance non autonome ou ne le devenant pas, possède peu de chance, pour ne pas dire aucune, d'arriver au terme de son programme de formation.

Par ailleurs, l'autonomie de l'apprenant à distance reste une capacité et devient presque un préalable que l'apprenant doit développer sur plusieurs plans afin d'atteindre ses objectifs d'apprentissage.

Enfin, un apprenant autonome en formation à distance est une personne qui loin de souffrir de la distance, s'en sert afin de ne pas être dépendant de l'institution pédagogique, qu'il considère, avant tout, comme une entité " facilitatrice " de son apprentissage.

 

L'autonomie selon André-Jacques Deschênes

 

 

Autonomie et métacognition
des apprenants à distance [2]

 

Recension de définitions de la métacognition

Flavell (1979, p. 906-911) définit la métacognition comme " une prise de conscience de l'expérience cognitive " et " une prise de conscience des connaissances acquises ". Il précise que " cette prise de conscience tend à permettre tant la sélection, que la révision ou l'abandon de certaines tâches cognitives, buts ou stratégies lorsque mis en relation entre eux et en relation avec les habiletés de l'apprenant et ses intérêts pour l'entreprise en cours. "

Plus récemment, Bernadette Noël (1997, p. 19) souhaitant dissiper " une certaine confusion parce qu'on ne distingue pas toujours clairement les différents aspects ou les différentes phases du processus de métacognition et aussi parfois parce qu'on ne fait pas bien la distinction entre le processus mental qu'est la métacognition et l'activité cognitive sur laquelle elle porte. " propose la définition de la métacognition suivante " La métacognition est un processus mental dont l'objet est soit une activité cognitive, soit un ensemble d'activités cognitives que le sujet vient d'effectuer ou est en train d'effectuer, soit un produit mental de ces activités cognitives. La métacognition peut aboutir à un jugement (habituellement non exprimé) sur la qualité des activités mentales en question ou de leur produit et éventuellement à une décision de modifier l'activité cognitive, son produit ou même la situation qui l'a suscitée. "

Michel Desbiens (en ligne) nous indique que " Les chercheurs ont remarqué que les élèves apprenant facilement, prenaient conscience de leurs façons d'apprendre. Ainsi, ces élèves s'observaient en train d'apprendre pour délaisser les façons d'apprendre moins efficaces et retenir les meilleures stratégies. Utilisant déjà le mot cognition (qui vient de connaître) pour nommer le processus d'apprentissage, ils ont appelé métacognition (méta signifiant ce qui dépasse) l'activité par laquelle un apprenant contrôle son processus d'apprentissage. "

Le Centre d'Expertise Pédagogique AQUOPS (en ligne) donne la définition suivante de la métacognition : " La métacognition est la connaissance et le contrôle qu'une personne a sur elle-même et, plus spécifiquement, sur ses stratégies cognitives. Cette connaissance implique que l'élève est conscient, notamment, des exigences et de la valeur d'une tâche, des connaissances et des stratégies cognitives requises pour la réaliser, des étapes à franchir et, pendant l'exécution de la tâche, de l'efficacité de sa démarche. Le contrôle réfère à la capacité d'autorégulation de l'élève aux différentes étapes de réalisation d'une tâche soit lors de la planification, soit pendant l'exécution et au moment de l'évaluation. Certains auteurs associent également la métacognition à la motivation puisque les habiletés métacognitives permettent à l'élève d'évaluer les exigences d'une tâche et sa capacité à la réaliser. "

Lisette Tremblay (en ligne) considère que la métacognition est " ... une compétence à se poser des questions pour planifier ses interventions, s'évaluer constamment avant, pendant et après une tâche et se réajuster au besoin. "

Selon Grangeat (1994) " Apprendre, c'est comprendre, c'est 'prendre avec soi' une connaissance nouvelle pour en faire un savoir personnel ; cela exige un questionnement sur cette connaissance et sur la manière de l'acquérir, nommé métacognition. "

Pour Grangeat et Meirieu (1997), le concept de " métacognition " veut réintroduire la " prise de conscience " au sein même de l'acte d'apprendre comme une dimension essentielle de celui ci. Il propose d'entraîner systématiquement l'élève à comprendre ce qu'il fait quand il travaille, à stabiliser des procédures efficaces, à prendre le recul nécessaire pour acquérir des connaissances transférables et à améliorer son efficacité cognitive. C'est donc pendant et non après les enseignements que s'inscrit la formation méthodologique. Et c'est là la garantie de son efficacité.

De son côté, André-Jacques DESCHÊNES (1991) utilise " la notion de métacognition pour supporter théoriquement et décrire pratiquement le concept d'autonomie. " Ainsi, " l'apprenant autonome est un apprenant qui dirige son activité d'apprentissage en intervenant dans sa gestion. Pour ce faire, il est amené à mettre en place des stratégies métacognitives impliquant sa connaissance de lui-même en tant qu'apprenant, l'identification des tâches à réaliser et des stratégies pour y parvenir, la maîtrise d'outils de planification, de régulation et d'évaluation. " (Rodet 2000).

 

Quelques exemples d'interventions métacognitives

Les activités métacognitives, parce qu'elles permettent à l'apprenant de mieux se connaître comme apprenant et que cette réflexivité se révèle être un moyen puissant de progression vers l'autonomie, devraient, selon nous, se dérouler tout au long du processus d'apprentissage. Nous identifions trois étapes remarquables qui tout en étant variables selon les actions de formation sont présentes dans chacune d'elles : le début de la formation, le déroulement de la formation, la fin de formation. Pour chacune d'elles nous suggérons différents types d'activités qui peuvent être proposées par l'enseignant mais dont le contrôle nous semble devoir rester à l'apprenant.

Au début de la formation

  • Activer ses connaissances antérieures en rapport avec l'objet d'apprentissage
  • Identifier les difficultés déjà ressenties lors d'apprentissages similaires
  • Identifier sa motivation et les éléments susceptibles de la maintenir à un haut niveau
  • Prendre conscience de son état affectif et des ses émotions par rapport aux tâches à réaliser
  • Identifier ses habiletés et ses compétences à la réalisation des tâches demandées
  • Evaluer ses compétences à utiliser le dispositif médiatisé
  • Evaluer les difficultés prévisibles lors de l'apprentissage
  • Se fixer des objectifs d'apprentissage qui peuvent éventuellement être différents de ceux prévus dans le cours
  • Planifier son apprentissage de manière réaliste et non volontariste

Pendant le déroulement de la formation

  • Contrôler le déroulement de son apprentissage en fonction de sa planification
  • Créer ses propres activités métacognitives
  • Ajuster ou modifier, si nécessaire, sa planification
  • Vérifier son état motivationnel
  • Identifier et acquérir les méthodologies qui favoriseraient son apprentissage
  • Identifier les difficultés rencontrées
  • Identifier ses besoins de support à l'apprentissage
  • Identifier les ressources matérielles et humaines qu'il peut solliciter
  • Echanger avec son entourage personnel et professionnel
  • Echanger avec ses pairs
  • Echanger avec l'équipe pédagogique
  • Tenir un journal de formation

À la fin de la formation

  • S'auto-évaluer (connaissances acquises, difficultés rencontrées, ce qu'il a ressenti)
  • Faire le bilan de sa démarche d'apprentissage (les stratégies employées, ses préférences, …)
  • Vérifier si les objectifs visés ont été atteints
  • Identifier les suites possibles d'apprentissage sur le même thème ou sur de nouveaux thèmes
  • Identifier les situations dans lesquelles il pourra utiliser les connaissances acquises.
  • Evaluer sa démarche métacognitive

 

Les différents aspects d'une formation à distance sur lesquels l'apprenant peut exercer son autonomie

Nous nous basons, ici, sur les écrits d'André-Jacques Deschênes (1991). Selon cet auteur, les trois aspects d'un cours qui peuvent permettre à un apprenant d'exercer son autonomie ou d'acquérir l'autonomie sont le contenu, la structure et l'interaction.

Le contenu du cours

Le contenu, c'est la matière même du cours. Il regroupe les informations d'un domaine de connaissance qui est présenté à l'apprenant. Si, en formation à distance, le contenu est conçu bien avant sa mise à disposition, il est possible de faciliter l'exercice de l'autonomie ou son développement par l'apprenant pour peu que les concepteurs respectent quatre principes : la modularisation des contenus, la mise en place d'un support méthodologique, l'auto-évaluation des connaissances, le développement de l'esprit critique.

La modularisation du contenu est une opération qui vise à construire le cours sous forme d'unités d'information, ou de grains de connaissance. L'objectif de la modularisation est de permettre une meilleure individualisation du parcours d'apprentissage et de donner la possibilité à l'apprenant de construire celui-ci en fonction de ses besoins, de ses attentes et de ses objectifs.

La mise en place d'un support méthodologique a pour but de soutenir l'apprenant dans le repérage et l'acquisition de stratégies d'apprentissage adaptées à son profil cognitif lui permettant de construire ses connaissances. Il s'agit de faciliter l'auto-interrogation sur le " savoir comment ". Ce support peut prendre la forme de fiches méthodologiques où les stratégies (de lecture, de prise de notes, de conception de cartes conceptuelles par exemple) sont décrites de telle manière que l'apprenant puisse à la fois les utiliser au cours de son apprentissage mais également dans d'autres contextes.

L'auto-évaluation des connaissances comprend l'identification par l'apprenant de ses connaissances préalables, de celles qu'il souhaite absolument acquérir et de celles qui représentent des préalables à ces dernières. Au cours de cette évaluation, l'apprenant doit éviter deux écueils que sont les préjugés qui peuvent lui faire rejeter de nouvelles informations et l'illusion de connaître qui le cantonne à une compréhension superficielle.

Le développement de l'esprit critique est favorisé par une présentation multiréférentielle du contenu et par les dispositifs qui permettent à l'apprenant de confronter ses représentations à celles de ses pairs et de la communauté pédagogique en général.

La structure du cours

La structure du cours est l'organisation pédagogique du cours qui est elle-même issue des activités d'ingénierie pédagogique ou encore de design pédagogique. Plus cette structure est forte et fermée, moins l'apprenant peut exercer son autonomie et inversement, plus elle permet des parcours diversifiés, plus l'apprenant peut évoluer de manière autonome.

Il s'agit donc pour les concepteurs d'un cours à distance d'envisager quelle liberté ils accordent à l'apprenant dans les tâches d'enseignement. Il est repéré trois stratégies métacognitives qui permettent à l'apprenant d'intervenir sur la structure du cours : la planification, la régulation, l'évaluation.

En ce qui concerne la planification, l'apprenant peut ou non, selon les choix des concepteurs, intervenir sur les objectifs, les tâches, les stratégies, le temps et lui-même. S'il est rare que l'apprenant puisse influencer les objectifs d'un cours, il peut lui être offert la possibilité d'identifier des objectifs d'apprentissage plus personnels et complémentaires de ceux du cours. Permettre à l'apprenant de devenir plus autonome face aux tâches qui lui sont demandées impliquent que celles-ci soient décrites précisément sur le plan des exigences et que les ressources utilisables soient identifiées. Il peut également être présenté un éventail de tâches parmi lesquelles l'apprenant doit faire un choix ou éventuellement proposer lui-même la réalisation d'un travail qui répondent aux critères d'évaluation. Favoriser l'autonomie de l'apprenant sur les stratégies d'apprentissage demande en premier lieu de permettre à l'apprenant de connaître le répertoire des stratégies possibles. Dans un second temps, il s'agit de soutenir l'apprenant dans l'identification de ses habiletés sur chacune des stratégies, en lui fournissant, par exemple, des instruments d'évaluation. Planifier le temps de son apprentissage est une activité primordiale pour l'apprenant à distance et peut-être la manière la plus immédiate d'exercer son autonomie. Il est souhaitable que l'apprenant effectue une planification temporelle réaliste et non volontariste. Enfin, l'apprenant autonome est celui qui arrive à faire le point sur ses caractéristiques personnelles et il est donc nécessaire que les concepteurs lui proposent des activités lui permettant de prendre conscience de ses motivations, de ses intérêts et des ses perceptions vis-à-vis de l'apprentissage.

La régulation, c'est l'ensemble des activités qui permettent à l'apprenant de s'engager dans les tâches et de contrôler leur déroulement au regard de la planification établie. Idéalement, la régulation intervient tout au long de l'apprentissage mais il est recommandé de définir auparavant des étapes de régulation correspondant à des moments remarquables du parcours de formation. La régulation est un aspect important qui peut prévenir des abandons provoqués par la difficulté à se mettre en mouvement et la procastrination.

L'évaluation, stratégie métacognitive par excellence, renvoie à des habiletés d'appréciation, de vérification et de jugement. Les activités d'évaluation permettent à l'apprenant de se positionner par rapport aux informations notifiées dans les phases de planification et de régulation. Il s'agit alors d'évaluer tant les buts que la manière dont ceux-ci ont été atteints ou pas. Ainsi l'évaluation du processus porte sur les stratégies utilisées, leur efficacité, la réalisation des tâches, les états affectifs et motivationnels, les ressources sollicitées, les nouvelles limites, etc.

L'interaction

L'apprenant autonome est celui qui sait gérer au plus près de ses besoins les interactions qu'il entretient avec les autres. Si l'apprenant autonome se considère d'abord comme sa première ressource pour faire face aux difficultés qu'il rencontre, il faut convenir que la sollicitation fréquente de personnes ressources n'est pas un indicateur d'une autonomie élevée. L'apprenant autonome établit davantage des relations fonctionnelles qu'émotives avec ses interlocuteurs.

 

Tableau 2 : grille d'analyse de l'exercice de l'autonomie de l'apprenant
dans un cours de la Télé-université d'après A.-J. Deschênes

 

 

Conclusion

Nous avons vu que l'autonomie, loin de pouvoir être décrétée, est une capacité qui est à développer. Dans le contexte de la formation à distance, les concepteurs mais aussi les personnes en charge de l'encadrement de l'apprenant ont à déterminer leurs interventions afin que celles-ci tout en procurant un véritable support à l'apprentissage ménagent des espaces d'autonomie pour l'apprenant. Comme dans toute relation pédagogique, il s'agit pour ces personnes ressources de trouver la bonne distance entre interventionnisme et délaissement.

Une première manière de favoriser l'exercice de l'autonomie et son développement est de considérer l'apprenant comme étant ou devenant sa première ressource de support à l'apprentissage. Ainsi, les concepteurs de formation à distance doivent prendre en compte cet objectif transversal aux cours qu'ils développent et permettre à l'apprenant d'intervenir sur le contenu, la structure et l'interaction de ceux-ci.

Par ailleurs, il est apparu que l'autonomie est indissociable du concept de métacognition qui permet à l'apprenant d'adopter une attitude réflexive à portée ontologique. Il s'agit pour lui d'examiner sa pratique pour en repérer les forces et les faiblesses et planifier les actions qui favoriseront une meilleure adaptation de ses stratégies d'apprentissage aux buts de formation qu'il se fixe.

Enfin, nous ne saurions conclure sans rappeler que nous sommes tous des apprenants éternels en matière d'autonomie et de métacognition et que c'est dans la reconnaissance de nos progrès à réaliser que comme personne-ressource, tuteur, professeur, formateur, nous pouvons tous trouver inspiration et méthode pour accompagner les apprenants dans leur processus d'autonomie.

 

Références

CEP AQUOPS (en ligne). http://cep.cyberscol.qc.ca/ressources/guides/pp_metacognition.html

DESBIENS, Michel (en ligne). http://www.protic.net/profs/micheldesbiens/eleves/MetacAccu.htm

DESCHÊNES, André-Jacques (1991). Autonomie et enseignement à distance. Dans La Revue canadienne pour l'étude de l'éducation des adultes, mai, vol. V, n°1, p.32-54.

FLAVELL, F. H. (1979). Métacognition and cognitive monitoring. American Psychologist, vol.34, n°10, 906-911. Traduction de Nicole C. Refae.

GRANGEAT, Michel, (1994). Comprendre pour réussir. Influence de la métacognition sur la réussite. Cahiers pédagogiques, n° 320.

GRANGEAT, Michel, MEIRIEU, Philippe, (1997). La métacognition, une aide au travail des élèves. ESF.

MOORE, M. (1977). On a theory of independent study, Zentrales Institut fur Fernstudienforschung, Femuniversitat, Hagen.

NOEL, Bernadette (1997). La métacognition. De Boeck université, collection Pédagogies En Développement, ISSN 0777-5245b, ISBN 2-8041-2513 0).

RODET, Jacques (2000). Définitions et enjeux de l'autonomie. Non publié.

TREMBLAY, Lisette (en ligne).

 

 

Entretien avec André-Jacques Deschênes*
Le constructivisme

Introduction

Le constructivisme en éducation et donc en formation à distance, si l'on veut bien considérer que la FAD ne se limite pas à l'utilisation de médias, pose les principes suivants :

  • Les connaissances n'existent pas en elles-mêmes mais sont construites ou reconstruites par l'individu dans un contexte et une temporalité donnés.
  • L'apprenant est au centre du processus pédagogique où l'apprentissage tient la place primordiale par rapport à l'enseignement.
  • Le contexte d'apprentissage jour un rôle déterminant dans la construction des connaissances. L'appropriation de celles-ci par l'apprenant dépend fortement de leur transfert et de leur manipulation dans une situation concrète.

« Selon le constructivisme, le développement et la transformation de savoirs pratiques constituent un processus vital inéluctable qui se produit sans qu'il y ait nécessairement d'intention formelle d'éduquer ou d'apprendre. L'humain n'arrive à composer avec les circonstances de son existence qu'en produisant de tels savoirs : on sait toujours quelque chose qui est relativement viable pour soi ! » (Pépin, Yvon, Savoirs pratiques et savoirs scolaires : une représentation constructiviste de l'éducation. Dans Constructivisme et éducation, références ci-dessous).

 

Entretien

Jacques Rodet : La première fois que j'ai lu le terme constructivisme, je l'ai entouré d'un trait, me promettant d'essayer d'en savoir plus sur ce qu'il pouvait bien vouloir évoquer. Après avoir lu sur le sujet et entendu différentes personnes en parler et en débattre, mes représentations se sont précisées, se sont construites. Quel serait pour toi le point de départ, non pas idéal, mais valide d'une construction de connaissances sur le constructivisme ?

André-Jacques Deschênes : Le concept de validité (viabilité pour Pépin, Y. 1994. Savoirs pratiques et savoirs scolaires : une représentation constructiviste de l'éducation. Revue des sciences de l'éducation, 20 (1), 63-85.) renvoie au jugement personnel de l'individu (« la seule personne qui peut évaluer la viabilité de ses connaissances est le sujet qui les construit. » Pépin, 1994, p. 75). La seule question à laquelle je peux répondre de manière satisfaisante pour moi est quel a été mon propre point de départ.

J.R. : Justement, quel a été pour toi ce point de départ ?

A.-J.D. : Je crois que de manière générale, les concepts que nous retenons (construisons et utilisons pour interpréter le monde) sont ceux que nous rencontrons au fil de nos expériences et qui rendent compte ou représentent bien notre compréhension du monde. Je pense donc, qu'un jour, j'ai été, par des lectures ou des discussions avec quelqu'un, en contact avec le constructivisme (comme concept ou comme théorie) et que j'ai constaté que ce paquet d'informations était significatif pour moi parce qu'il me permettait de bien comprendre (expliquer, rendre compte, interpréter, etc.) certaines de mes expériences comme apprenant ou comme enseignant. Ça m'est alors apparu comme les connaissances les plus viables pour moi ; j'ai alors continué de lire, discuter et réfléchir sur ces concepts pour comprendre mieux encore et me donner des outils pour intervenir plus efficacement dans mes pratiques éducatives.

J.R. : Lors d'un entretien avec une personne s'intéressant à l'interculturalité qu'il me présentait comme une démarche où l'on accepte de perdre un peu de ce que l'on est pour découvrir et intégrer une partie de ce que l'on n'est pas, j'essayais de reformuler son propos en parlant de négociation du sens comme reconnaissance de l'altérité et de construction des connaissances comme traces de l'altération. Celui-ci me répondit que la construction n'avait rien avoir là dedans, que l'ouverture à l'autre n'était pas tant affaire d'accumulation (ce qu'il entendait pas construction) mais d'être prêt à prendre le risque de la perte pour s'enrichir, d'oser le métissage. Il est vrai que le terme constructivisme fait souvent tout d'abord penser à un empilement, comme celui que ma fille fait avec ses cubes de bois. Or, inévitablement, la construction s'écroule et elle la recommence. De quelle analogie (l'interculturalité ou le jeu de cubes) te sens-tu la plus proche pour définir le constructivisme ? Que construisons-nous et à partir de quels éléments ? S'agit-il de trouver de nouveaux cubes au risque d'en perdre ? D'agencer les mêmes différemment pour que cela tienne ?

A.-J.D. : Je me sens plus proche du jeu de cubes (peut-être que, si je comprenais mieux l'interculturalité, …). Mais, s'il y a empilement, comme tu l'écris, il ne se fait pas au hasard : il y a une différence entre un tas de pierres et un mur de pierres… habituellement je construis des murs de pierres… c'est-à-dire que je sais ce que je vais faire avec ce que j'ai, soit comme informations de ma mémoire soit comme informations de l'environnement. Essentiellement, nous construisons des expériences différentes du monde… à chaque fois que je regarde par la fenêtre de mon bureau, je construis ma vision (mon expérience) de cette partie du monde qui est visible de cette fenêtre. Cette partie du monde est différente à chaque moment où je la regarde car un ou plusieurs éléments ont changé depuis la dernière fois que j'ai regardé par le fenêtre. De manière générale, cette construction ne produit pas de nouveaux apprentissages. J'arrive à interpréter ce que je vois à partir de mes expériences passées, autant celles de regarder par cette fenêtre que mes autres expériences du monde et bien qu'à chaque fois, des éléments changent, il m'est toujours possible de considérer cette expérience comme satisfaisante parce que tout ce que j'observe est conforme à ce que j'ai expérimenté dans le passé et à ce que je peux présumer expérimenter dans ces conditions. Si par ailleurs, je voyais un lion par ma fenêtre… il me faudrait construire quelque chose d'autre pour interpréter cette expérience… souvent, on explique l'apprentissage d'un point de vue constructiviste par un conflit cognitif que je dois résoudre. Dans mon cas, c'est de voir un lion par la fenêtre de mon bureau, dans la neige au Québec en février… selon mes expériences passées, ce n'est pas possible. Je dois alors construire quelque chose de neuf. Cette construction va se réaliser soit essentiellement avec des expériences passées (en les accumulant différemment) ou en combinant ces dernières avec des éléments nouveaux (nouvelles expériences) que je tire de l'environnement… Pour reprendre l'analogie des cubes, toute expérience est un cube et ce sont des expériences qu'on accumule pour donner un sens à l'expérience actuelle et ce sont de nouvelles expériences que je vais vivre ou provoquer pour arriver à comprendre une expérience qui crée un conflit.

J.R. : Un des fondements du constructivisme est la contextualisation qui correspond à une manipulation des connaissances dans une situation authentique, dans le monde réel. Si j'en juge par les textes savants traitant du constructivisme, il me semble que son épistémologie doit assez peu au monde réel et beaucoup plus aux théories systémiques et au concept de complexité (je pense en particulier à Jean-Louis Lemoigne). Pourtant selon l'orthodoxie constructiviste, toute connaissance, même celle portant sur le constructivisme, ne peut être valide, c'est à dire utile, que dans la mesure où elle est confrontée au quotidien. Le constructivisme n'est-il qu'une mise en pratique ? Ou, pouvons nous dire que la démarche constructiviste est une tentative théorique de réhabilitation du savoir pratique comme générateur de concepts ?

A.-J.D. : Dans les apprentissages non scolarisés, la contextualisation ne s'applique pas. J'apprends tous les jours, dans ma vie quotidienne, à partir d'une situation où je découvre que les connaissances ou les compétences que je possède ne peuvent me permettre d'agir efficacement. Il y a alors adaptation de mes connaissances ou mes compétences ou construction de nouvelles connaissances ou compétences pour répondre une demande précise. Ces nouveaux outils (connaissances ou compétences) sont alors fortement contextualisés, c'est à dire liés très directement à la situation dans laquelle et pour laquelle ils ont été conçus. Je crois que nous faisons l'essentiel de nos apprentissages de cette manière. Dans une situation de classe (ou de formation planifiée) si on arrive à répondre à des besoins réels de l'apprenant on se rapprochera de la situation naturelle décrite plus haut et la contextualisation se fait selon les besoins réels des apprenants. Dans une situation où les objectifs sont fixés par un autre (donc sont imposés et ne répondent pas à des besoins réels de l'apprenant), il est probable que le seul apprentissage qui en résultera correspondra à des connaissances et des compétences pour survivre dans une situation où des objectifs sont imposés par une autre personne, le reste ce n'est pas de l'apprentissage… On peut bien sûr créer par simulation des situations très proches des situations réelles (pour le pilotage des avions par exemple), on peut donc croire que l'on arrive à certains apprentissages dans une situation où les objectifs sont imposées par une autre personne à des apprentissages en relation avec une situation (qui n'est pas réelle) mais qui reproduit, par simulation, certains aspects concrets de la situation qu'on vise. Une connaissance, d'un point de vue constructiviste, c'est donc une expérience qui ne se produira qu'une fois, c'est une réponse à quelque chose que je ressens, que j'imagine, que je découvre, à une demande de l'environnement… ce qui est enregistré ce sont probablement des manières d'organiser certains éléments dans ma mémoire, des relations entre certains éléments qui deviennent de plus en plus fortes et qui se referont donc plus facilement…. Le constructivisme n'est donc pas une mise en pratique ou une tentative théorique de réhabilitation du savoir pratique comme générateur de concepts.

J.R. : Un autre fondement du constructivisme est le développement de perspectives multiples qui consiste à traiter une information en adoptant des angles différents pour en découvrir les diverses composantes. Il me semble que nous sommes là très proches de la multiréférentialité voire même de l'interculturalité de tout à l'heure. Qu'en penses-tu ?

A.-J.D. : Comme la contextualisation, le développement de perspectives multiples ne sert qu'à soutenir des apprentissages dans des situations plus formelles. En situation réelle, la perspective que j'adopte risque d'être unique et conduire à un type d'apprentissage que je jugerai efficace ou non ; s'il ne l'est pas, il me faudra une nouvelle connaissance pour agir adéquatement, probablement pas une nouvelle perspective. Aborder une situation en ayant une préoccupation pour des perspectives multiples vise essentiellement à développer une plus grande flexibilité cognitive permettant en situation réelle de pouvoir adapter (ou transformer selon les besoins) les connaissances que j'ai pour qu'elles m'aident à résoudre un nouveau problème.

J.R. : A la lumière de tes nombreuses expériences de négociation du sens avec tes étudiants, démarche constructiviste s'il en est, qu'est ce qui te semble au final, lors de ces échanges, privilégié par toi et par les étudiants : la négociation ? Le sens ? Comment l'un et l'autre peuvent-ils être reliés ?

A.-J.D. : La négociation des connaissances (ou du sens), dans une perspective constructiviste, lors de l'apprentissage, c'est d'abord pour moi une question d'attitude. Celle-ci suppose, chez l'apprenant comme chez moi, la reconnaissance que chacun possède des connaissances qui sont valides (viables) et que le fait de les partager va modifier ce que chacun sait. Négocier des connaissances consiste donc pour moi à porter attention aux connaissances de l'autre, à tenter de les étayer lorsque je le peux, à les questionner pour voir si on peut aller plus loin, à proposer d'autres voies lorsque je juge que mon expérience ne correspond pas à ce que je comprends de la position de l'autre.

J.R. : Pour finir, j'aimerais te demander ce que la pratique du constructivisme dans le contexte de la formation à distance, t'a apporté dans ta vie professionnelle et personnelle ?

A.-J.D. : Certains principes du constructivisme soutenaient mes pratiques professionnelles et ma vie personnelle avant que je connaisse le concept et avant que je fasse de la formation à distance. Je crois donc que le constructivisme m'a permis de donner un nom à quelque chose que j'avais déjà adopté depuis plusieurs années. Il permet alors de mieux nommer sa compréhension du monde et sa pratique…. De les enrichir et de les approfondir…


* André-Jacques Deschênes
 

André-Jacques Deschênes est professeur et concepteur de programmes et de cours portant sur la formation à distance à la Télé-université. Il contribue à des recherches sur le matériel de cours diffusé à distance, en particulier sur les activités d'apprentissage et d'encadrement.

Sur le constructivisme, il a notamment publié :


Deux références sur le constructivisme

Constructivisme et éducation, Revue des Sciences de l'Education, vol. XX, N°1, 1994, Montréal.

Le Moigne, Jean-Louis. Le constructivisme. Tome 1 : des fondements, 1994. Le constructivisme. Tome 2 : des épistémologies, 1995. ESF.

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